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Le blog du petit carré jaune
2 juillet 2013

Marc VILLEMAIN : Ils marchent le regard fier

Marc VILLEMAIN : Ils marchent le regard fier

 

 " Il était comme raidi sur son banc, retiré de tout lançant aux bestioles du canal ou de la contre-allée des bouts de miche du matin, chaque jour reprenait les mêmes clichés de ce qui pourtant jamais ne s'en irait, les campanules, les jonquilles, les hortensias, toutes ces foutues générations de pigeons, de moineaux et de passereaux, et des fois quand la chance lui souriait il tombait sur un bouvreuil, une mésange, la trogne d'un bruant ou le ventre blanc d'un pouillot. C'est ainsi que j'ai toujours connu Donatien. Sans qu'il éprouve jamais le besoin de se lever. A quoi bon. Et puis, parfois ça arrive, on le voit se poser à l'abri d'un massif, des souvenirs qui lui remontent, impression de jouer à colin-maillard "

 

regard fier

 

 

Ce petit roman de quatre-vingt-huit pages m'a valu trois jours de lectures où je me suis posée énormément de questions sur la place de nos vieux dans notre société et quelle place nous, nous occupons et que nous occuperons dans quelques années. Marc VILLEMAIN nous offre un roman qui ne peut nous laisser de marbre. C'est un uppercut, une révolte, un lancement de pavés dans notre société où tout est fait pour laisser la place à un jeunisme, à l'artifice, à ce besoin de consommation forcenée, à l'humiliation, à l'écrasement des autres. C'est un coup de poing en pleine face, une claque magistrale, une remise en question de nos beaux principes. Bref c'est une  leçon d'humanité, une leçon d'amour, un vrai regard sur nos seniors, ceux que l'on ne voit pas ou n'entend pas, ceux qui sont invisibles. "Ils marchent le regard fier", c'est un coup de gueule.

Mais pas n'importe quel coup de gueule. Un coup de gueule emprunt d'une douceur, d'une beauté littéraire, d'un phrasé qui a cessé d'être en usage, suranné, d'une lumière de fin de journée, d'un début de journée près des bêtes qui sont dans l'étable.  C'est un ensemble de mots que nous n'entendons plus, un ensemble de mots de ceux que nous nommons les taiseux, ceux qui ne s'expriment pas ou peu, ceux qui sont mis à l'écart, au rencart, dans les fossés boueux de nos campagnes, dans les caniveaux de nos villes. C'est un roman, un qui se rangent dans l'étagère de nos bibliothèques et qui se transmet de génération en génération. Un de ceux que nous laissons en évidence pour que nos enfants le découvrent à l'âge requis, à l'age où eux aussi se poseront la question de la place et du regard de leurs parents sur leur vie, sur nous.

Et l'histoire me direz-vous : et bien il y a des livres que je n'ai pas envie de résumer. J'ai juste envie de vous amener à le lire, à vous interroger, à vous organiser, vous assembler, nous rassembler dans un monde où nos anciens deviennent indésirables, où le questionnement de la vieillesse se pose. Il faut dire que le monde ne laisse guère de place aux anciens et que
être vieux de nos jours restent une gageure. Car il faut être jeune pour être vieux, être sportif, svelte, en pleine santé mentale, morale, physique. A bas les déchets, à bas les débris, à bas les cloportes et les grabataires. " À la fin de l’envoi, en vérité, ce qu’ils disaient, c’est qu’un vieux c’est la mort, et que la chose ne se montre point à un mioche. "

Mais en fait si nos vieux se révoltaient contre cette société qui les met au rebut, au placard. Si nos vieux se regroupaient, s'organisaient pour préparer une révolution, une riposte à coup de cannes, de déambulateurs, à montrer la force qui les caractérise et cet amour qui les anime. Car "ils marchent le regard fier" c'est aussi cela, un livre remplit de gestes, de regards, de tendresse, d'affection pour l'être aimé, pour les proches. Celui ou celles avec qui nous partagerons, peut-être, la fin de notre vie. Celui ou celle avec qui nous avons des enfants qui grandissent. Celui ou celle avec qui nous partageons les coups rudes et les jours heureux... 

 

"Ils marchent le regard fier" de Marc VILLEMAIN c'est un manifeste. Oui c'est cela un manifeste et c'est peut-être un des plus beaux romans sur le fil de l'amour, sur une drôle d'époque, sur les blessures existantes, les drames et nos regards qui se tournent à la vue de ces vieux laissés dans les caniveaux, les fossés.

 

Et comment ne pas penser à cette chanson de Barbara " Mes hommes "

Ils marchent le regard fier,
Mes hommes,
Moi devant, et eux derrière,
Mes hommes
Et si j'allonge le pas,
Ils me suivent pas à pas.
Je leur échappe pas,
Mes hommes, mes hommes.
[...]
Pas de pleurs, pas une larme, Mes hommes, Je n'ai pas le goût du drame, Mes hommes, Continuez, le regard fier. Je serai là, comme hier, Vous devant, et moi derrière, Mes hommes.


" Et puis courir, ça n'a jamais aidé personne à voir ce qu'il y a devant. Moi pas le genre à enjamber, faut que j'éprouve la terre sous mes souliers. Que ça se soit le désert ou le bourbier, ce qu'il me faut c'est de savoir où se posent mes pieds pour aller où. "

 

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Commentaires
K
Vu sur un blog, et vérifié ensuite qu'il sera à la bibli, ce livre; Chic!
L
pas prête pour ce coup de gueule...un jour pitêtre.
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