Julie MAROH "le bleu est une couleur chaude"
Alors comment commencer ce billet sans rentrer dans la polémique actuelle du film d'Abdellatif KECHINE, "La vie d'Adèle", c'est la question que je me suis posée en lisant "le Bleu est une couleur chaude" de Julie MAROH. Comment vous parler d'une bande dessinée qui a reçu la Palme d'Or à Cannes en mai 2013, qui parle de l'homosexualité féminine, et qui a provoqué moult débats et violences dans la presse et la société d'aujourd'hui et qui est d'une beauté à couper le souffle.
Car "Le bleu est une couleur chaude" est une magnifique bande dessinée. Julie MAROH a réussi une oeuvre d'art, une palme d'or de la BD.
" Le bleu est une couleur chaude" est une très belle oeuvre visuelle. Il y a une force qui se dégage dans ce dessin qui nous pousse à tourner les pages et qui va au delà du scénario. La maîtrise des couleurs, le trait, la typo contribuent immédiatement à sa qualité visuelle... Et force est de constater que la suite est du même tenant.
Julie MAROH possède une vraie technique : aquarelle, lavis, encres de chine, délicatesse du trait. C'est fin, très fin, doux, pour certaines cases je dirai même à la limite du crayonné, celui du premier jet qui met en relief le travail final. On ne peut empêcher nos mains de feuilleter, de revenir sur une page, d'avancer un peu plus loin, de prendre le temps d'admirer l'illustration, une case, un découpage.
Et d'un seul coup, il y a la force de ce bleu au milieu d'une page à l'encre noire. Un bleu turquoise, un bleu qui fait d'une couleur froide, une couleur chaude, attirante, stimulante. Un bleu que l'on ne peut décrire tellement lui aussi est fort, attractif, érotique. Sans cette couleur et la puissance qu'elle dégage, cette BD aurait certe été magnifique mais il aurait manqué cette qualité visuelle, cette qualité graphique qui produit en nous une attraction et cela jusqu'à la dernière bulle, la dernière case, la dernière page.
Et puis il y a ces couleurs Mer du Nord, ces couleurs où le ciel est plombé, bas, nuageux mais où l'espoir est à une portée de vagues, de marées "par delà notre mort, l'amour que nous avons éveillé continue d'accomplir notre chemin".
Le scénario est sublime, tendre, sensible, aimant : comment rester insensible à cette histoire d'amour ?... Cette histoire où deux jeunes filles vont apprendre à s'aimer et cela au delà des frontières culturelles, sociologiques. L'amour avec un grand A. C'est la découverte et ces questions que se pose Clémentine face à ses émois, ses désirs qui basculent le jour où elle rencontre Emma, cette jeune fille aux cheveux bleus, cette attraction physique. La description du désir, le charnel, les corps qui ont faim et la perte irrémédiable de l’autre.
Et on se moque qu'il parle de l'amour lesbien, oui on s'en moque. Car cette bande dessinée parle de l'amour. L'amour PUISSAMMENT FORT. Et si elle met le doigt là où certains d'entre nous ne veulent pas voir ou comprendre, cela est bien. Car il ne faut pas oublier que l'homosexualité est encore tabou : insultes, rejets, tabassages, différences ou indifférences.
Cette bande dessinée est un réel coup de coeur tant par son histoire que par son graphisme... C'est un véritable petit bijou, une Palme d'Or oui, un véritable prix du Public au festival International d'Angoulême en 2011 et dans le coeur du petit carré jaune... Un BOUM BOUM BOUM BOUM qui restera longtemps, très longtemps.