« Le feu passe au rouge. Tu ouvres la portière. Tu ne remonteras plus jamais dans cette voiture. Tu poses un talon aiguille dans la neige, ton pied s’enfonce dans le blanc. Jean-Pierre te lance un regard noir « qu’est ce que tu inventes encore, Alice ? » Tu lui tourneras le dos. Tu n’as jamais connu cet homme. Alors, enfin, cela se met à sortir, toutes ces années passées à étouffer le cri, cela se déverse en flots parmi la neige et le ciel, et tu te mets à crier de plus en plus fort, de plus en plus distinctement : « huluberlu ! huluberlu ! hulubrlu ! »
Douze nouvelles, douze trajectoires de vie, douze moments où des êtres atteignent leur point de rupture. L’occasion de regarder les choses en face et, pourquoi pas, de prendre une trajectoire inexplorée, d’affronter ce qui fait peur, de larguer les amarres.
Douze nouvelles pleines d’âmes, d’humanités, de sacrifices, de victoire sur soi, de chemin de vie, de terreur, de folie, de territoire conquis, de rencontres qui bouleverse et modifie les trajectoires de vie.
Douze nouvelles où l’écriture de Geneviève DAMAS prend son envol. Courtes, incisives, vraies, l’auteur sait nous prendre par la main pour nous emmener dans son univers. Elle y décrit les méandres de la vie d’une prose élégante et pleine d’énergie, de beauté. Elle ne nous épargne ni les peurs, les craintes, les folies, les bonheurs, les emprises, les libérations, les vérités, les amours qui s’infiltrent dans chacun de nous sans forcement le savoir.
Avec elle, on ose enfin prendre la parole, se défaire des liens toxiques familiaux, amicaux, amoureux, professionnels. Des liens qui nous emprisonnent, nous entravent.
On frôle d’un mouvement de jupe la liberté, on s’engouffre sur les grands-routes en compagnie d’un enfant pas comme les autres, on rencontre des chats qui prennent possession de nos âmes et nous conduisent à franchir des murs, la folie nous gagne et nous déraisonnons. On brave un regard, une parole, on prend possession de notre vie et d’une pirouette, Geneviève DAMAS nous relève et nous montre un autre itinéraire possible, toujours en accord avec cet esprit de liberté. On atteint les points de rupture mais enfin on se regarde, on regarde les choses en face, on ose et on largue les amarres, on esquive et on s’enfonce dans la neige nos talons aiguille qui forment une empreinte de vie. C’est beau, tendre, humain, poétique.
C’est fort, magnifiquement beau, déraisonnable à souhait et pourtant si magnifiquement écrit et emprunt de cette beauté, de cette liberté qui nous pousse chacun à avancer, à continuer et si nécessaire à oser entreprendre une autre itin – « errance ». Une exploration de l’âme humaine merveilleusement écrite.
« Et quand je pense à ces moments là et que je nous revoie, que je la revois, c’est fou ce qu’elle me ressemble, c’est incroyable ça, cette manière de ne rien faire comme les autres, de tout faire à côté, de rater sans cesse et en même temps de réussir à sa manière, parce que moi, je n’ai pas mon bac et que je voulais qu’elle apprenne un vrai métier, parce que la peinture ça ne mène à rien, je voulais qu’elle ne passe par où je suis passé, parce que moi, j’ai eu la vie dure, si dure avant de rencontrer Monique, et que j’avais le visage fermé à double tour comme Frédérique quand je lui parlais, et c’est peut-être ça que je supportais pas, de la voir si perdue, de me revoir si fragile, que je m’énervais et que je disais « elle ne comprend rien cette gosse » alors que c’était ma gosse, ma gosse à moi, qui m’étais plus précieux que tous les chiens et les chevaux que j’avais eus, plus précieux que le magnolia que nous avions planté ensemble, que j’avais sauvé, qui illuminaient le jardin au mois de mai. Il faudra que je lui dise. D’appeler la gosse. On ne peut pas se quitter comme ça. Et j’ai fermé les yeux. »
Je ne connaissais pas cet auteur Belge. Je vais m’empresser de découvrir ces autres romans, son univers. A retrouver chez Lire et Merveilles (merci Marilyne pour cette merveilleuse découverte, merci pour la dédicace et ce jour de mars) et à découvrir chez les éditions Luce Wilquin
