10730785_396079313874692_1501249127996947242_nLe brave Islandais, sans murmure,
Jette la ligne et le harpon ;
Puis, dans un relent de saumure,
Il se couche dans l'entrepont...
Et le pauvre gâs
Soupire tout bas :
"Je serions ben mieux à mon aise,
"Devant un joli feu d'ajonc,
"À côté de la Paimpolaise
"Qui m'attend au pays breton."

 

Merveille absolue que ce livre aux douceurs océanes, bretonnes, aux grands larges, ses saveurs et aux techniques bienveillantes et magnifiques de deux grands pêcheurs du 8ème art. Deux grands et doux rêveurs, drôles et poètes, des gars qui font d’un périple breton, une vraie odyssée à la Ulysse et ses Argonautes.

L’Iliade version chouchen et crêpes, version sardines de Douarnenez et cidres bio à l’état brut (quoi qu’un semi brut bien fruité peut se déguster avec).

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Un marin, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez sans ses binocles aux gros verres, se lève comme chaque matin pour prendre la mer. Et comme chaque matin, sa chère et tendre bigoudène se lève avant lui pour lui préparer sa pitance.
D’une pâte à crêpes versée généreusement dans une poêle, accompagnée d’une tranche de lard, d’une pincée de fromage et d’un œuf, elle réveille son homme, tout petit et rabougris. Elle en fait un marin au pied averti par les conseils météo d’une radio qui crachote un temps qui vire du soleil à la tempête, que la pêche à la sardine risque d’être bonne et savoureuse.
C’est qu’elle est énergique notre bretonne à l’habit traditionnel. Une vraie bigoudène au caractère bien trempé (normal pour une bretonne), au cœur rempli de cet air iodé qui requinque les plus rabat-joies des vieilles voisines qui pleurent leur mari perdu en mer, des sirènes au chant lointain mais triste à mourir.
Pour parfaire son périple journalier, elle lui glisse, comme à chaque fois, une boite de sardines à l’huile de marque Délicieuse, dans sa besace de marin-pêcheur, lui qui déteste tant cela…  
P
ensez donc de la sardine en conserve pour un marin !! C’est comme manger des crêpes surgelées pour des bretons !!! Intolérable !! Pirate !!
Mais bon : on ne  peut aller à l’encontre d’un menhir qui d’un sourire, d’un baiser déposé souhaite une bonne pêche à son marin de cœur.

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Clope au bec, bonnet bleu, vareuse et pull rayé, notre petit homme, accompagné d’un second pas très futé (mais affuté) prend la mer à bord de son petit chalut, sa Maria. L’hélice tourne et déjà s’étend au loin l’océan, sa mer d’huile et ses mouettes attirés par les filets qui remontent des fonds marins…. chaussures et boites de conserve vides, os et autres déchets. Triste constat pour une pêche artisanale. Rien à part une sardinette, un poisson digne d’une maigre friture (normal pour une mer d’huile me direz vous). Rien. Jusqu’au moment où notre chalut croise la route d’un navire usine.
Et là ce qui n’était qu’une saine partie de pêche va se transformer en véritable odyssée ! Une tempête !

Un périple digne de l’Iliade où notre Bigoudène va se transformer en une Pénélope qui ne va pas attendre sagement son Ulysse au port comme le font toutes ces bretonnes sirènes pleureuses.
Non hors de question !
Quand on a un caractère breton et un cœur iodé, on part consulter la plus grande voyante bretonne qui existe (et qui sait, comme toutes les voyantes bretonnes, lire dans les galettes).

Et on s’embarque pour une croisière select, direction Cuba et son Fidel, chercher notre vaillant aventurier qui se serait échoué sur cette ile.

C’est que notre marin traverse moult-aventures sur cet océan : après le navire-usine de pêche qui manque de l’envoyer au fond du filet et des fonds marins à tout jamais, c’est la rencontre avec un pétrolier qui dégaze, déverse à tout va et manque d’asphyxier une mouette à l’œil poché (serait un cyclope ? ) qui ressemble furieusement à la mouette d’un Gaston Lagaffe. Même désinvolture et caractériel comme cela n’est pas permis mais à la générosité exceptionnelle. Une chouette mouette, quoi. Puis c'est un bateau qui n'est pas que fantôme mais plutôt pirates à l'Astérix (jambe de bois en moins)

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Alors je pourrais vous dire que cette aventure est gorgée d’huile de sardines, de crêpes, d’odeurs alléchantes, de tendresses démesurées et d’une longue rasade d’amour au beurre salé extra doux, d’une goulée d’ivresse de cidre et chouchen, il n’en est rien ! Quoique !
C’est bon comme un retour en terre natale, comme une belle ritounnelle, comme un doux chant de sirène bigoudène qui attend son pêcheur de mari qui rentre au pays breton en chantant à tue-tête « hasta siempre »

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Gorgée de clins d’œil, savoureuse à souhait, garanti sans OGM, ni saveurs ajoutées, cet «  océan d’amour » se déguste en bonne compagnie (merci Chez Mo pour les cannelés...).  

Lumpano a su encore une fois, ancrée une histoire où aucune parole, texte ou onomatopée s’incrustent. Tout en silence, il raconte grâce la plume encrée de PANACCIONE, une véritable odyssée où les valeurs artisanales sont respectées au détriment de ses gros chaluts-thoniers qui épuisent les fonds marins, ces remorqueurs et autres pétroliers qui mazoutent à tout va, de ses riches croisiéristes qui s’ennuient à mourir sur ces paquebots qui filent droit sur l’Atlantique.

C’est bon, beau, bio et vif comme un vrai temps breton, une tempête de bonheurs, un soleil tropical digne de Cuba qui vient ensoleiller les plus belles p(l)ages de cette bande dessinée. Et si les couleurs et les cases scénarisées semblent sombres et décousues, elles regorgent de saveurs, de gourmandises, de sentiments, de tendresse, de rebondissement.

 

Une très belle aventure bretonne aux aromes artificiels de Vierge Marie et de Ché Guevara. Des valeurs nutritionnelles à lire avec gourmandise.
Un chouette « Océan d’amour » qui donne envie de prendre le large avec un vieux marin tout rabougris, maigrichon et sa paimpolaise bigoudène tout en rondeur.

 

Une bande dessinée que j'ai eu l'honneur de déguster en compagnie de Chez Mo' (et je peux vous promettre que nous nous ne sommes pas "crêpées" le chignon, ni la coiffe bigoudène)

A retrouver sur le site de Grégory PANACCIONEWilfrid LUPANO et les éditions Delcourt

 

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