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Le blog du petit carré jaune
20 décembre 2015

"Anne F." Hafid Aggoune

 

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« Je n’arrive pas à imaginer l’individu que je serais devenu sans la littérature, sans ces centaines d’écrivains qui m’ont donné la main, consolé, bousculé, galvanisé, aimé à leur façon silencieuse, lointaine, d’outre-tombe pour la plupart – les morts ne sont jamais absents, seuls les vivants nous manquent. » 

J’aimerai vous parler de ce livre mais je ne sais pas si je vais pouvoir. J’aimerai vous parler de la beauté des écrits de Hafid Aggoune mais je ne sais si j’y arriverai. Je ne sais pas car Hafid Aggoune a rédigé un pur joyau, un véritable hommage, au-delà même, à une jeune fille qui nous a  laissée pour seul symbole de vie, de force, de résistance, ses écrits. Des écrits déposés sur un cahier, dans une pièce close, l’Annexe, ce lieu qui a servit d’habitation, d’emprisonnement pour fuir la menace qui pesait sur sa vie. Et cette jeune fille, ce n’est autre qu’Anne Franck.  

Comment vais-je pouvoir me débrouiller pour vous dire qu’il est urgent de lire « Anne F. » et de relire « le journal d’Anne Franck ». Plus que jamais.
Vraiment … je reste sans voix. Je tremble et m’offre le droit de regarder le visage de cette jeune fille déposée sur la couverture. Un visage souriant, des yeux malicieux et regardant loin devant. Une envie de croquer la vie, qu’importe les sourcils frondeurs, l’étoile jaune qui devra être portée sur le manteau que l’on devine. Un visage volontaire, une gamine qui devient elle. Anne F., Anne Franck
Des écrits, une lettre adressée à une adolescente qui devenait femme, une adolescente qui se réveillait sous les bruits des bottes et des armes et qui, à sa manière, combattait la folie des hommes. Un roman vibrant, vivant, un journal intime 

Tout commence après un attentat commis lors du marathon de Paris dans lequel le père de l’auteur est inscrit. Un attentat. L’impensable ! A Paris !  Un meurtre commis par un adolescent, un enfant encore, un gamin de 15 ans. Un attentat où d’innombrables innocents sont morts ou ont été victimes de la folie humaine.
Cet adolescent n’est plus, ni moins l’élève de l’auteur. La double peine ! Quand la victime devient coupable de la propre balle qui a fauché son père lors de sa course. L’impensable est donc là ? Sous nos yeux ? L’incroyable drame, la vérité absolue.
Le professeur de philosophie et de français qu’il est, n’a pas réussi à faire passer le message, celui d’Anne Franck. Comment ne pas s’en vouloir,  ne pas baisser les bras, ne plus désirer lutter encore et encore pour faire passer le message d’espoir, d’universalité, de liberté, d’amour qu’avait déposé Anne Franck dans son journal.
Comment ne pas vouloir sa propre mort lorsque celui qui a commis l’attentat au nom d’une révolte communautariste, intégriste n’est autre que celui qu’il a toujours considéré comme son propre fils, son miroir, son élève ? Celui qu’il a essayé de protéger, de bâtir son avenir, de lui inculquer les valeurs auquel il croyait. Comment ne pas douter en tant que professeur que le message éducatif de tolérance qu’il transmet n’est que feuille brûlée, morts en pleine rue ? Comment ne pas plonger durant une nuit dans le désespoir le plus profond et en finir avec la vie comme on finit sous une balle ? 

« On aimerait ne pas être aspiré par l’oubli. On laisse une part de soi, dans un enfant, un livre, des projets. On éduque, on écrit, on construit pour ne pas disparaître, pour que nos jours aient un sens, pour que quelque chose nous arrive. » 

Ce roman est une lettre qui aurait pu être une lettre d’adieu. Une lettre écrite sur un coin de bureau, le temps d’une nuit longue et obscure. Une nuit qui mène à la mort, à ne plus vouloir se battre, à ne plus chercher à combattre. Elle aurait pu être cela : la résignation. Mais Hafid Aggoune a écrit tout autre chose.
Et c’est toute la force et la beauté de ce roman. C’est la sublime écriture de Hafid Aggoune et l’évocation d’Anne Franck qui s’écrient entre ses lignes, se crient dans le silence de cette nuit.
C’est la force, la beauté de la vie, l’incroyable courage qui nait de l’écriture, l’indépendance des mots, la liberté de la littérature. C’est l’incroyable courage qu’il faut pour toujours croire en la tolérance, la folle beauté de la vie.  

C’est un véritable témoignage, un hymne à celle qui incarne la beauté, la force des écrits. Au-delà de cette jeune fille que nous avons toutes et tous découvert dans un journal lors de notre propre adolescente, il en fait une icône à la liberté, un véritable symbole de lutte contre toutes les formes d’emprisonnement, de cloisonnement, d’idéologie.

« L’étranger n’est pas celui qui vient d’ailleurs, mais celui qui s’éloigne de nous » 

Un hymne à l’amour d’un père pour son fils, d’un père pour sa fille. Un sublime plaidoyer à la littérature, à la force de la littérature, des livres, de l’écriture afin que les mots restent toujours plus forts que les bruits des balles, des armes.  

C’est de cela que nous sauvent les mots, les livres. C’est de la terreur, l’angoissant désespoir, la justesse et l’émotion qui font de nous des femmes, des hommes libres, toujours et encore. Des femmes et des hommes qui se dressent contre l’obscurantisme, l’ignorance, la honte et la culpabilité.
C’est de cela que nous parle Hafif Aggoune. De la vie. Au-delà de toutes les balles qui sifflent aux oreilles des femmes et des hommes qui veulent demeurer libres, vivants, tolérants. Pour que les mots restent les paravents à la folie humaine. 

« Rien ne viendra éteindre les vents de la création, et puissent les enfants des enfants, à l’unisson, sages et fous à la fois, répandre le courage de marcher au-dessus du vide, libres. »

  

Anne F.
Hafid Aggoune

Plon
Collection Miroir

 

anne_frank

 

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