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« Mon histoire est malheureusement commune à notre époque. Elle est celle du cycle de notre existence. La naissance, la vie, la mort mais à cela près que je n’ai pas connu certains des moments de la vie d’un homme »

« La tristesse des éléphants » 

Tout commence par ce titre, une histoire, une couverture au crayonné pastel, crayons de couleurs de nos trousses d’école. Une histoire qui nous donne l’infinie envie d’ouvrir les pages et de nous laisser happer par cette romance douce-aigre que l’on nomme la vie. Ce quelque chose de doux, d’insurmontable et pourtant si bon, si tendre.
Cette couverture oui, bel objet d’une nuit noire où scintillent quelques ampoules posées sur une guirlande. Une nuit étoilée. Une nuit enguirlandée. Une nuit faite pour les héros, pas ceux qui portent un costume et sauvent le monde, biceps et forces en atout ! Non ! Les héros anonymes, invisibles, ceux qui ne font pas de bruit. Les héros d’une vie ordinaire dans un monde ordinaire. Des héros rejetaient parce que différents, timides, hors normes, disgracieux, solitaires. Des héros ordinaires mis à l’écart dans un monde pas ordinaire, un cirque en somme. 

Alors oui, Louis n’est pas un super héros. Il serait même selon ses camarades d’orphelinat un super zéro, la tête de turc, celui qui mérite les pires châtiments, les humiliations les plus extrêmes parce qu’il est gros, bigleux, timide et pas doué pour deux sous. Il est celui qu’il faut faire souffrir parce qu’il ne sait pas dire non, se battre. Louis est le dernier loup de la meute, celui qui se meurt de ne pas être adopté, celui qui reste et finira sur le bas côté seul, sans personne pour l’aider à se relever.  Louis. Sans personne à qui se confier.
Car Louis n’a pas d’amis ou si peu. Il gémit de ne pouvoir avouer que sa seule passion est le cirque. Il aimerait pouvoir partager cela. Partager la vie de ces saltimbanques. Jongler, dompter, faire l’acrobate sur un trapèze, être dresseur d’éléphants.  

Alors à chaque saison, quand le cirque Marcos se pose dans sa ville, Louis fait le mur. Il laisse tomber le pyjama des orphelins, aux pieds des barreaux de la grande bâtisse et s’aventure dans la nuit étoilée du chapiteau rouge.
Et là commence la magie : la magie des éléphants, des dresseuses de pachydermes, des fées des défenses. La commence la vie de Louis, Lou-Louis. Là commence l’amour, un amour qui durera toute sa vie et bien au-delà. Là commence sur la piste, sa rencontre avec celle qui le mènera à rencontrer un monde qui ne le jugera pas, l’acceptera pour ce qu’il est, petit homme culbuto-culbuté, un monde où les papillons sont libres d’aller où ils veulent et où les éléphants, ces gros animaux aux yeux si profonds, représentent la tendresse, la douceur, l’amour que Louis n’a jamais connu. 

 

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Une somptueuse bande dessinée qui se lit le soir lorsque le moral nous joue des tours. Une BD où la vie se résume en ces quelques mots :

« La vie c’est des étapes. La plus douce, c’est l’amour. La plus dure c’est la séparation. La plus pénible, c’est les adieux. La plus belle, c’est les retrouvailles. » 

Une bande dessinée sur l’acceptation de la différence, l’exclusion, la solitude, l’enfance douloureuse, les souvenirs merveilleux, la rencontre, l’amitié, l’amour, le bonheur, les désillusions, la tristesse, la maladie, la mort, la tendresse, la douceur. Une bande dessinée que l’on n’a pas envie de qualifier de bande dessinée ou de livre jeunesse mais d’illustré universel. Un récit crayonné, simple, riche en émotions et en fragilités. Un récit où la vie palpite au rythme du pas des éléphants, lourdement mais si délicatement.. 

On tourne les pages de cet album comme on tourne les pages de sa vie. On lit les mots de Nicolas Antona et on se revoit timide et disgracieux dans ses moments où l’enfance peut paraitre terrible. On tourne les planches et on aime ce rouge rosé qui monte aux joues, devient tendre baiser. On déchiffre les mots murmurés et on glisse dans la vie, on ouvre ses ailes de papillon, pose sa tête sur l’épaule aimée. On aime oui. On découvre que la vie est aussi disgracieuse, dure, intraitable. Mais qu’elle reste la vie avant tout.  

On jubile devant la palette de noir graphite utilisée par Nina Jacqmin. On trouve somptueux ce jeu de dégradé, de gris éléphant, ces subtiles touches de couleurs papillon. On oublie que la vie est parfois ni noire, ni blanche mais juste entre gris clair et gris foncé. Du gris, du noir, des couleurs déposées comme des touches de vie. Du rouge, du bleu, un peu de sépia et la beauté simple se dessine devant nos yeux.  

Une bande dessinée qui ne nous dit rien d’autre que d’être soi ; celui qui est là, fait battre le cœur des dresseuses d’éléphants, celui qui n’est pas comme les autres. On lit et on aime. Jusqu’à la dernière case, la dernière page, les derniers coups de tambours. Celles qui annoncent le glas. Celle qui nous rappelle qu’il faut être soi. Ne pas chercher à être un super héros, celui qui se travestit sous une cape tellement il a peur de se connaitre. Simplement et tendrement soi. Nul autre mais soi. Soi, seulement et simplement soi.

 

Les premières planches

 

La tristesse de l’éléphant
Nicolas Antona – Nina Jacqmin

Les enfants rouges

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