"Comme neige" Colombe Boncenne

« Paris, le vendredi 16 mai 2012, 

Cher Monsieur, 

Admirateur de votre œuvre depuis plus de dix ans, je suis chacune de vos publications avec grand intérêt. Il y a un mois, il m’est arrivé une chose bien étrange : j’ai acheté dans une librairie bourguignonne un roman signé de votre nom, intitulé Neige Noire, publié en 2000 aux éditions du Miroir. Je ne connaissais pas ce roman et il m’est apparu que je n’étais pas le seul puisque, indépendamment de l’exemplaire que j’ai lu (et malheureusement égaré depuis), je n’ai retrouvé aucune trace tangible de ce livre. J’ai consulté Internet qui est resté muet sur le sujet, idem pour la BNF, et votre éditeur m’assure n’avoir jamais eu ce titre à son catalogue. Ce mystère m’intrigue et j’en cherche une signification […]. »

Ce n’est pas souvent que cela m’arrive : commencer la lecture d’un roman, ne pas trouver le fil, le souffle qui me tient en haleine, continuer, le poser, le refermer, persévérer parce qu’il y a matière, dramarturgie, drôlerie, trame, qualité littéraire, poursuivre et trouver en fin de lecture, ce qui m’a fait tenir cette histoire.  

C’est le miracle de l’opération des 68 premières fois ! Oser aller à l’encontre de ces livres dont nous n’aurions pas lu, pas vu, dans lesquels nous ne saurions pas aventurer et en ressortir avec un autre regard, une nouvelle mise en lumière sur la complexité et la richesse du monde littéraire.

« Comme Neige » de Colombe Boncenne est avant tout un jeu ludique et narratif, une trame arachnide du petit monde de l’édition et de la littérature.  Il faut accepter de se perdre dans les rouages d’une enquête, non pas policière (pas la moindre goutte de sang,  meurtre, petit crime à se mettre sous la dent), mais au contraire loufoque, un roman où la seule chose importante est la création littéraire.  

L’histoire …. Tamtam !! L’auteur nous emmène à enquêter sur la disparition d’un livre lu au cours d’une nuit d’insomnie dans un petit village perdu au milieu de la Bourgogne. Un livre écrit par un des plus grands romanciers qui soit. Un livre unique et mystérieux car non reconnu par la maison d’édition et par l’auteur lui-même. Bref un livre mystère. 

Un homme,Constatin Caillaud, comptable-lecteur de son état et légèrement misogyne, coureur de jupons, un brin imbu de sa personne (bref un goujat), découvre au fond d’un carton d’une librairie aussi fantôme que l’est un train, un livre « Neige Noire » d’Emilien Petit, écrivain célèbre, couronné par des prix, et disparu depuis de la circulation littéraire. Ce roman « Neige Noire » devient le fil funambule et narratif du roman.
En effet : au cours de cette même nuit, le livre disparait pour devenir un mystère entre fiction et réalité. Est-ce un rêve ? «Neige noire » a-t-il réellement existé ? Constantin Caillaud n’est-il pas un doux rêveur philantrope ou un lecteur outrancier ? Comment croire à cette histoire quand aucune preuve de cette lecture n’apparait, quand la maison d’édition, l’auteur lui-même nient la parution ? Est-ce vrai, faux ? A quel jeu joue notre Constantin, Arsène et surtout vers quoi veut-il nous amener ? Sommes-nous lecteurs ou enquêteurs de ce livre mystère ? Existe-t-il ou pas ? Bref autant de questions parsemées d’aucune réponse ? Un livre fantôme pour une histoire qui nous embarque dans les dédales de la littérature. 

Colombe Boncenne a écrit un livre où il faut accepter de se perdre dans la trame, le jeu. Il ne faut pas prendre « Comme neige » pour un livre dont la romance serait l’histoire de Constantin Caillaud, son mystique livre, ses amours, sa maitresse, ses lectures fantômes, mais comme un vaste champ exploratoire du petit monde de la littérature.

L'auteur s’amuse à nous perdre, balader dans un jeu, devenir complice d’un mystère qui ne sera jamais éclairci. Et c’est tant mieux. Cela aurait été dommage de divulguer la moindre solution. On n’en viendrait presque à mener l’enquête, démêler tous les fils de cet imbroglio littéraire, savoir si cet Emilien Petit et ce fameux livre existent, rechercher les lettres écrites par Volondine, Rolin, Kéchichian, les traces de cette nuit d’ivresse de Toussaint, ce fameux lecteur-comptable.  

C’est troublant, une expérience nouvelle, un vrai dédale-labyrinthe entrecroisé d’un mystère digne de Borges.  

Pour vous dire la vérité, je ne sais pas si j’ai aimé ou pas.  Mais Colombe Boncenne a réussi à m’emmener là où je ne pensais pas aller, au bout d’une histoire qui n’en est pas une et qui restera à tout jamais un mystère, un ovni littéraire, un livre fantôme.  C’est décalé, drôle, foutraque, malicieux, un poil facétieux, amusant. Peut-être pas mon coup de cœur de ces 68 premiers romans mais il demeure une belle découverte.

« Il est du destin de la plupart des livres de n’éveiller plus nulle part aucun souvenir. »

A retrouver chez Clara, Nicole et son blog Mots pour Mots, Cannibale Lecteur et bien sûr l’Insatiable Charlotte. « Comme neige » de Colombe Boncenne est sélectionné dans le cadre de l’opération menée par l’insatiable Charlotte et des 68 premières fois, édition 2016 (à retrouver sur la page Fb : 68 premières fois, édition 2016)

Comme Neige
Conlombe Boncenne
Buchet Castel

Comments

[Leiloona]

J'ai pensé à du Auster en le lisant ... pour cette thématique du pouvoir de la littérature. :)

[laetitianabrin]

C'est pareil, je viens de le poser, et je n'arrive pas à savoir si je l'ai aimé ou pas. Je me suis demandée comment l'histoire allait se démêler. Malgré un fin un peu loufoque, j'ai bien aimé la chute. 😉

[celina]

Ce roman me tente beaucoup. J'aime quand la littérature s'amuse, joue allégrement avec les frontières du réel. Riche idée ces lettres à des écrivains ! Merci pour cette découverte

[Noukette]

Je me suis régalée avec ce roman !

[clara]

un bon premier roman et un auteur à suivre de près!