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Le blog du petit carré jaune
29 août 2016

"Lucie ou la vocation" Maëlle Guilllaud

 

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« Elle tourne sur elle-même devant le miroir de sa cellule. L’étoffe lourde se soulève à peine. « Je suis dans la maison de mon futur époux, chantonne sœur Marie-Lucie.  Il m’a choisie. Il me tend les bras. » Jamais elle ne s’est sentie aussi belle. Sa pureté irradie. Un bonheur profond irrigue son cœur. Elle flotte. Enfin, elle a rejoint les siens. Leur amour est immense. Et l’amour du créateur, fidèle. Elle est confiante, l’avenir est  prometteur. »
« Comment peut-on se laisser porter par des formules pareilles que le cardinal débite d’une voix monocorde ? Je n’ose imaginer depuis combien d’année il fait son numéro. Et l’envoûtement fonctionne depuis plus de 2000 ans ! Envoûtement, c’est le bon terme. […] Cette secte a merveilleusement réussi. Et dire qu’elle arrive à récupérer des jeunes filles en quête d’absolu. […] Ma Lucie, qui t’éloignes de moi, tu vis un commencement. Tout ce que tu as vécu avant ce moment précis n’a plus aucune importance à tes yeux. Je chavire. Ce sanctuaire est un tombeau. » 

Trois femmes. Trois destins. Trois visages qui vont se heurter aux forces impénétrables du monde monacal, des congrégations et du religieux.
Deux femmes, la lumineuse-timide Lucie et la secrète Mathilde qui entrent dans les ordres comme on entre dans la Maison de Dieu par envie, besoin, sens de servir, d’offrir à l’humanité le sens du partage, du don de soi pour les autres, apporter la paix, l’aide et le réconfort, le pardon et l’Amour, de répondre à l’Appel de Dieu.
Et puis il y a Juliette, l’insoumise, celle qui ne croit ni en dieu ni en maitre, celle qui reste en dehors, dehors, à l’extérieur de la congrégation, celle qui est rejetée mais qui par amitié, ira à la recherche de ce qu’est une religion, tentera de comprendre ce sens de la servitude en un homme qu’on épouse sans jamais pouvoir le toucher, un homme qui demeure un mystère.
Et il y a ce monde qui gravite derrière les lourdes portes des couvents, les lourds secrets, les sacrifices, l'obéissance absolue, les humiliations, la dure réalité, le gavage d’oies blanches pour mieux faire entrer les idéologies, empêcher de penser, les basses besognes, les montées en grade pour mieux régner en « sœur suprême », les conflits, les tentations de la  « chaire ». Le visage souverain et démoniaque de ce que peut être une religion.  

« Beaucoup de biens ne se produiraient pas, s’il n’y avait pas de mal dans les êtres ». (Thomas d’Aquin)
« Un frère appuyé un autre frère est une citadelle imprenable » (La Bible) 

A lire ce roman, on se demande dès les premières pages où Maëlle Guillard a trouvé la « source d’inspiration » pour écrire un pareil roman sur ce que l’on pourrait qualifier de Grande Muette Religieuse, sur l’univers monacale des nonnes et autres sœurs regroupées en congrégation dans des couvents fermés à tout public.
Il y a une terrible précision, une vraie construction sur ce monde clos, interdit, enfermé. Il y a une terrible menace, un fossé entre laïcs et pratiquants d’une religion poussé à l’extrême. Il ya une vraie recherche, une écriture concise et pourtant simple nous faisant tourner les pages comme on tourne les feuilles de ces livres qui ornent les églises, les prieurés, comme on peut tourner les pages de la bible pour en saisir la théologie, les caractères impénétrables de ces écrits. 

Puis il y a le sacrifice. Au sens religieux du mot. Celui qui désigne sous couvert d’amour, le mot de servitude. Servitude à un Dieu, un Homme, celui qui devient le Mari, celui que certaines femmes cherchent avec âme et conscience à épouser. Le sacrifice d’une vie à la dévotion, à aimer, à l’aimer, le servir jusqu’à s’oublier, oublier les préceptes, les commandements, les récits bibliques, les « tu ne tueras point », «Aimez vous les uns les autres », des grandes théologies…  

Phénoménal. Frissons. Froid dans le dos quand les portes des couvents se ferment sur le monde du dehors, lorsque les lourds vantaux renferment les mystères et les inhumanités de l’Eglise.

Au moment où tant de questions sur les religions, le religieux ornent nos sociétés, il est bon de se rappeler ce qu’est une religion, ce que sont les ordres, croire en un être suprême et cela quelque soit justement cette religion. Il est bon de rappeler que comme tout extrême, toute religion, ce fait de croire de manière supérieure à la venue et la suprématie d’un Homme, d’un Dieu,  ne peuvent conduire qu’à l’incompréhension et aux destructions des êtres, à la servitude des esprits et le désarroi des hommes.

« La congrégation est une pieuvre dont les tentacules sont féroces »

 

A retrouver chez Martine et ses lectures, Dominique Clire. Un billet écrit dans le cadre de l’opération menée par l’Insatiable Charlotte et des 68 premières fois, éditions 2016.

  

Lucie ou la vocation
Maëlle Guillaud

Editions Héloïse d’Ormesson

68 premières fois

68 PREMIERES FOIS EDITION 2016

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Commentaires
A
A partir d'une croyance personnelle, il y a surtout ce que les hommes (au sens d'humanité) en font. Et les institutions, redoutables dans la religion catholique. Ce roman m'intrigue, je le garde dans un coin de ma tête.
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