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Le blog du petit carré jaune
17 février 2017

" Les parapluies d'Erik Satie" Stéphanie Kalfon

 

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« Où en sommes-nous chacun, de ce qui fait une vie ? Qu’a-t-on appris de tous les bruyants bavardages dont nous recouvrons nos malaises d’être là, vides et visibles […] A qui la donner pour ne plus l’affronter, cette perplexité d’être soi, être soi d’accord, mais qui ? Il est impossible de se ressembler. Un matin quelque chose se stabilise et une rue plus loin, on a changé de caractère ou de colère. Il n’y a pas de mots pour dire ces variations silencieuses. On s’éloigne, c’est tout. » 

 

Erik Satie, cet homme musicien aux binocles verres fumés et chapeau, redingote queue-de-pie-cache-misère., pantalon jaune moutarde, aux 2 pianos désaccordés et aux 14 parapluies inutilisés.  Satie cet anar anticonformiste refusant de rentrer dans des schémas, des normes, « un nomade un rêveur un indolent qui cache sa grosse peine et s’en va, passable […], passant, pas sûr de lui non plus. ». Un homme méconnu et méconnaissable.

1901.  Erik Satie a 34 ans. Il est sans ressources, sans avenir professionnel, allant de cabarets en cabarets, de Montmartre à Arcueil, ignorant les douceurs et l’amour, ne vivant que la nuit, s’alcoolisant de ce vert liquide anisé destructeur de foie. Compositeur méconnu, insociable, insatiable, Satie vit sa vie comme un acte de révolte, une exigence, contre cette société orchestrée, hiérarchisée par des pourvoyeurs d’art, de sens critiques, sans visions, ni originalité.
Hypersensible, mélancolique joyeux, insoumis aux vertues bien pensantes, aux codes et cases bien ordonnées, il condamne les règles, les habitudes, les coutumes et ne rêve que de résisitance à la médiocrité et la banalité. Il demeure un éternel insatisfait, un révolté, un original, fustigeant la trahison de la créativité, des vérités universelles, les pensées uniques et vides.

« C’est bien connu, lorsque les timides sortent de leur timidité, on ne leur pardonne pas. »

D’Erik Satie, j’ai cette image d’homme désabusé, esseulé, buveur d’absinthe, musicien hors pair méconnu, rejeté par ses pairs. Un homme solitaire qui voguait de trottoirs en rues, d’un Montmartre Chat Noir à Paris Belle époque. Erik Satie et sa musique répétitive, ce rythme si particulier fait de courts instants mélodiques, harmoniques, iconoclastes et intransigeants. 

Le tour de passe-passe que nous livre Stéphanie Kalfon dans les parapluies d’Erik Satie, est de faire de cet homme un puzzle, un être insoumis, d'une beauté sensible à l'extrême, révolté, intransigeant aux règles, aux partitions à écrire, vivant dans une pauvreté désabusée. D’une poésie folle et à l’humeur joyeuse, Stéphanie Kalfon nous peint un homme empreint de vie, de libertés, de créations et de génies, un talent artistique, un homme brillant et surtout pudique, pudique de se livrer à la foule qui ne comprend pas son art, malheureux de cette solitude qui lui colle à la peau comme les notes de musiques collent à ses rythmes.
Elle nous livre sous sa plume extrêmement bien construite, scénarisée, « portraitisé », un hommage vibrant, magnifiquement fort et beau, un poète mélodique, lunaire-rêveur,  mal aimé, mal trouvé, mal posé, un homme à la tristesse ombrageuse souriante qui se cachait parmi les doux, les hurluberlus désabusés rieurs. Un Pierrot Auguste avant l’heure. Un homme emprunt d’un spleen, une mélancolie baudelairienne, le tout dans une écriture qui pour un premier roman mérite largement que l’on se pose et dévore, note les innombrables et innombrables passages, les mots qui embrasent, les gestes qui ne semblent fous que pour les fous. 

Un roman que l'on garde à côté de soi juste pour se rappeler qu'il est nécessaire de ne jamais ressembler à ces doublures que le monde nous dresse, ne jamais rentrer dans ces cases que l'on étiquette et qu'il est essentiel, vital de vivre dans la créativité que l'on souhaite mener, dans cette oxygène qu'est la vie. Une écriture musicale, rythmée, troublante, chahutante, claquante, douce, ensorcelante, joyeuse, tendre  comme l'est notre quotidien égaré dans la médiocrité d'un début de siècle à secouer.

« La folie n’est pas du côté de l’extravagance, elle est du côté de la normalité. C’est bien la normalité qui est pure folie, la validation de la comédie sociale par ceux qui la jouent. La validation des groupes par eux-mêmes. Les gens seuls, les déviants, les étranges, les bizarres, ne sont que la doublure honnête des photocopies carbone qui représentent la masse des vivants. Ceux qui marchent sur la tête, les vrais fous, sont ceux qui jamais n’ont besoin d’air. » 

«  Tous, nous avons tous une signature de vie. C’est elle qui vous rend singulier, à cause d’elle que les choses arrivent d’une certaine manière, se répètent ou se déroulent selon une musique spéciale, identifiable, différente. »

 

Un billet écrit dans le cadre de l’opération menée par l’Insatiable Charlotte et des 68 premières fois, éditions 2017.
  

Les parapluies d’Erik Satie
Stéphanie Kalfon

Joëlle Losfled Editions

logo 68 premières fois édition 2017

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Commentaires
L
tes citations me donnent envie de le lire.
N
Cette couverture est une merveille et le reste a l'air du même acabit, il me le faut !
D
Celui-ci est l'un des titres de la sélection qui me fait le plus envie, surtout après ton billet. Je ne connaissais pas du tout le personnage, mais j'avoue qu'il a tout pour me plaire : insoumis, rétif à l'ordre établi, talentueux artiste... Et si, en plus, l'écriture est belle, que de mander de plus ? J'ai hâte de le lire !
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