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Le blog du petit carré jaune
15 mars 2017

" Corps sonores " Julie Maroh

corps sonores« Chaque fois qu’on parle d’amour, c’est avec jamais et toujours. Viens, viens, je te fais le serment […] qu’avant toi, il n’y avait pas d’avant. Il n’y avait pas d’ombre et pas de soleil. Le jour et la nuit s’était pareil. Y’avait pas au creux de mes reins, douce, la chaleur de mes mains. » 

Dans « Corps sonores », Julie Maroh nous entraine dans la valse des histoires d’amour, qu’elles finissent mal ou bien. Elles nous entrainent dans ces rencontrent d’un jour, d’une nuit, d’une semaine ou d’une vie, dans la musique, la petite mélodie, que fait notre corps lorsque la rencontre a lieu. C’est superbement beau, narré, illustré. C’est de l’émotion encore une fois à l’état pur.  

Découpée en scénettes, comme des nouvelles, « Corps sonores » nous transporte à Montréal le jour d‘un déménagement, ce jour où les cartons se font, se défont, se croisent, défont des instants de vie, la notre, celle des grands souvenirs et des petits drames.
Ces jours aussi où on se souvient de ces rencontres, de ces pages d’amour qu’on a écrit, de ces jamais et toujours, de ces viens, oui, qu’avant toi il n’y avait rien, qu’après toi il y a des encore. On se souvient qu’à chaque fois qu’on parle d’amour
« on se le dit et on y croit ». On croit « que c’est pour la première fois ». Et cela « à chaque fois », à « chaque fois ». A « chaque fois qu’on aime d’amour ».

« Pouvoir encore et toujours. S’aimer et mentir d’amour. Comme à chaque fois. Comme à chaque fois. Comme à chaque fois. » 

Comme un plan de métro, une ligne de bus, on emprunte un itinéraire. On dresse en quelque sorte une carte du tendre, du plaisir, de l’entente. On s’arrête à des stations, se retrouve sur des parkings, se protège des bus collectifs, des rencontres multiples. On se lance dans l’aventure du corps à corps, de la proximité, du plaisir, de la tendresse. On marque des breaks, on se trompe de directions et change de partenaires comme on change de métro.
Puis à un carrefour, un sentier reconnaissable entre mille, on le sait. On sait que c’est elle, lui, qui nous éblouie on ne sait pas trop pourquoi, mais c’est lui, c’est elle, oui. On le sait. C’est comme ça. Ce n’est pas écrit, pas toujours logique mais c’est comme ça. On devient gauche, on craque, on soupir, on espère. On se dilate, touche, ose et au bout d’une nuit, d’un instant, on supprime, comme un clic sur une touche simple et facile d’un téléphone. 

corps-sonores1

Et puis on se remet à croire, à rencontrer. On essaie, se trompe. Qu’importe le flacon pourvue qu’on est l’ivresse. Un soir c’est le brasier, l’incendie impossible à maitriser. Rouge vif, rouge fougueux, rouge d’envie. On apprend que la personne rencontrée est trans, homo, bi, amoureuse, amoureux, seul(e). On fantasme sur l’hypothétique nuit, sur ce qui se cache, ce qu’on ne mesure pas encore. On se revoie, on passe « la journée ensemble sans pouvoir se quitter et puis, je ne sais plus pour quelle excuse, on [arrive] chez moi et on [se jette] l’un sur l’autre. Avec furie. Comme deux complémentaires. ». Qu’importe le temps, l’attente, on espère, on brûle d’amour. On appelle l’ami(e) qui nous ouvre quelques instants son cœur, son oreille. « Les amis sont une famille adoptive. Et nous nous resserrons à chaque retrouvaille. » Mais le sexe, l’amour et l’amitié font-ils bon ménage ? Qu’importe le cœur explose, la vie prend un tournant, se révèle sous la glace.  

 

corps-sonores2

 

On se souvient tous de « Bleu et une couleur chaude » et de sa profonde et belle bande dessinée, de ces amours imparfaits mais tellement forts, tellement soi qu’ils en deviennent universels et cela quelque soi le sexe, la couleur ou la façon de le concevoir. Et comme souvent chez Julie Maroh, c’est lorsqu’elle parle de l’amour sans tabous, l’amour physique, l’amour avec un grand A ou un grand S qu’elle est la plus sincère, vraie, émouvante, sensible, imparfaite.  

Dans « Corps sonores », elle nous emmène à la rencontre de cet état amoureux, de cette ivresse qui nous prend lorsque le cœur explose, lorsque le corps entre en musique et produit son bruit, sa gamme d’émotions, lorsque l’osmose explose entre deux êtres.
Il n’y a nul tabou, nul interdit, nul blasphème, nul impudeur écrite, dessinée. Au contraire, Julie Maroh n’a jamais été aussi pudique, autant respectueuse que dans ces pages où l’amour s’écrit, se dit, se fait, se touche, se sent.  

Le dessin est quand à lui encore une fois de toute beauté, de cette sensualité qui émane de son crayon, de cette pluralité qu’elle nous donne à chaque nouvelle. Il y a la modernité des personnages, cette douceur qui émane de chacun d’entre eux, la pudeur des gestes, la rencontre sexuelle qui explose, se révèlent. Les corps se dénudent, deviennent impudiques mais nullement gênants, voyeurs. Au contraire,. Il y a juste l’amour, l’acte ou tout simplement la rencontre les mains qui se croisent, les jambes qui se cherchent, les corps qui s’appellent, s'ouvrent.

Dans une nuance de gris qui vire du sombre au clair, une palette chaude ou froide, Julie Maroh explore l’univers des corps qu’ils soient habillés ou nus, ils sont magnifiés, beaux, sensuels, doux et émouvants. 

Alors même si nous n’avons toujours pas de réponse à l’amour, Julie Maroh nous emmène encore une fois dans ce sublime labyrinthe, dans cette petite musique de nos corps, dans cet itinéraire sans carte ni boussole de l’amour avec un grand ou un petit A. Et décidément après le bleu, le gris est une couleur chaude. Après les bleus, Julie Maroh est une conteuse sensible, émouvante et moderne de nos vies amoureuses grises et lumineuses.

A découvrir le clip de présentation. 
 

Corps sonores
Julie Maroh
Glénat

 

images

 

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Commentaires
V
ça a l'air sublime, ça ne m'étonne pas vu le nom de l'auteur ! Allez, noté!
A
Allez hop !! Réservé dans ma bibli... ;) Merci chère tentatrice.
L
quel bel avis! j'avais déjà envie de le lire, tu accentues le truc!!
S
Quelle jolie chronique pour un si beau recueil ! J'ai moi aussi été conquise : c'est simple, dès les premières lignes de l'à propos, je n'ai pas réussi à décrocher et j'ai englouti le recueil d'une traite, impossible de m'arrêter...<br /> <br /> Il ne me reste que sa deuxième BD à lire, mais tu l'as trouvé en dessous ?
F
j'avais beaucoup aimé celui-ci moi aussi.Mon exemplaire est déjà passé entre de nombreuses mains de curieux, et ça ne va pas s'arrêter je pense...
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