Poème issus de « Embrasse –moi », recueil de poésies réédité par Gallimard à l’occasion des 40 ans de la mort de Jacques Prévert.
20 poèmes d’amour, 20 poèmes de beauté, 20 poèmes que l’on aime et illustrés par Ronan Badel qui joue avec les amants de Raymond Peynet et la patte de Sempé sans que l’on se lasse de lire et relire les mots reliés par Prévert.
Le bouquet
Pour toi pour moi
loin de moi près de toi
avec toi contre moi
chaque battement de mon cœur
est une fleur arrosée par ton sang
Chaque battement c’est le tien
chaque battement c’est le mien
par tous les temps tout le temps
La vie est une fleuriste
la mort un jardinier
Mais la fleuriste n’est pas triste
le jardinier n’est pas méchant
le bouquet est trop rouge
et le sang trop vivant
la fleuriste sourit
le jardinier attend
et vous dit Vous avez le temps !
Chaque battement de nos cœurs
est une fleur arrosée par le sang
par le tien par le mien
par le même en même temps.
Il y a beaucoup de bonheurs de redécouvrir les poèmes de Jacques Prévert dans cette édition jeunesse. Beaucoup de bonheurs, de douceurs, de tendresses, de ce petit quelque chose qui est propre à la simplicité et le regard de l’homme poète. Beaucoup de bonheurs à entendre les mots, les lire, se les approprier avec gourmandise comme une madeleine que l’on savoure, comme les souvenirs que l’on avait un peu oublié.
Car lire Prévert est toujours un régal. C’est toujours ce regard sur les mots de l’enfance, ceux que nous a appris, récités et que l’on redécouvre une fois l’âge adulte entrepris. C’est un vrai délice à se replonger dedans, à poursuivre ce chemin, à ré-arpenter les sentiers de nos campagnes, lever le nez et entendre le gargouillis des ventres affamés d’amour et d’amitié. C’est juste, simple, vrai, sincère, sans fioriture ni tralala, comme ce diction qui dit que « pour vivre heureux, vivons cachés », comme ce poème de Prévert sans quatrain, ni vers mais où les mots sont un délice pour les cœurs gourmands.
« un et nu c’est même
et nu et nue comme un et un font deux
font un quand ils s’aiment. »
Accompagné de dessins dignes de Peynet ou de Sempé, on se laisse bercer par la ligne de Ronan Badel, ces douces couleurs, son trait fin et pastelisé. On pénètre des jardins cachés, secrets, on escalade des palissades, on s’assoit avec l’amoureux dans l’escalier. On est jeune, on s’aime, on aime et qu’importe le regard des gens, qu’importe leur air courroucé par l’amour déployé.
Et comme nous suggère les mots qui referment ces douceurs « Il n’y a pas cinq ou six merveilles dans le monde, mais une seule : l’amour ». Jacques Prévert.
A retrouver le site officiel qui regroupe tous les évènements liés aux 40 ans de sa mort. Et si jamais vous passez par la Nord Cotentin, par ses petites routes et sentiers qui sentent bon la noisette, les genets, l’air marin, les pommes et la beauté des gens simples, arrêtez- vous dans sa maison et écoutez les mots, regardez la poésie de Prévert, savourez ses cadavres mots exquis. C’est bon, juste et tendre. Un repaire à la Prévert en somme. (et mettre en boucle Kent, Fersen, Barbara, Les Frères Jacques, Montand, La Tordue, Gainsbourg, Ferré, Brassens, Tri Yann, Les Têtes Raides, Ridan, Thiéfaine, Les Inconnus... et tant d'autres encore)
Embrasse-moi
Jacques Prévert et Ronan Badel
Gallimard