Muriel Bloch Christophe Merlin " Le rêveur"

« Cette histoire est celle d’un garçon qui rêve sans cesse. Depuis qu’il est enfant, nuit et jour, il passe son temps à rêver de ce qu’il va arriver aux uns et aux autres. Des rêves qu’il veut partager à tout prix. Mais personne ne lui prête l’oreille.
    - Pour qui te prends-tu ?
    - Si tu savais déjà ce qui va nous arriver, alors rien ne pourra nous arriver !
    - Au contraire grâce à mes rêves, vous ne passerez plus à côté de vos vies.
Avec le temps, au village, on avait même oublié son nom, car pour tous il était  Le Rêveur. »

Il y avait eu le magnifique Kodhja de Régis Lelong et Thomas Scotto. Il y a Le Rêveur de Muriel Bloch et Christophe Merlin. Un album atypique, entre BD et récit, entre voyage initiatique et aventure fantastique, entre conte-légende, un parcours initiatique à la limite de la bande dessinée et de l’album jeunesse. Une histoire qui est une merveille, des pages dont on tourne pour y revenir, des personnages auxquels on s’attache tels des amis découverts.
Et comment vous en parler… comment vous donner envie de vous plonger dans ces mers infestées de démons mi-onirisme japonais, mi-sirènes aux chants envoutants. Comment vous amener à tourner les pages de ces pays traversés, ces jungles luxuriantes, ces rues qui sentent le sable chaud et le désert, ces ports qui recèlent la magie des voyages extraordinaires, ces montagnes qu’il faut traverser en apprenant à faire confiance à des êtres qui deviennent des amis ? Comment vous parler de la féroce répression policière et militaire, de cette junte qui pactise avec le diable afin de sauvegarder un ordre ? Comment vous montrer que grâce à l’amitié, il y a des rêves qui peuvent devenir réalité. 

Cette histoire est donc celle d’un garçon qui rêve sans cesse, du matin au soir, du soir au matin. Des rêves prémonitoires, des rêves dont chacun n’a que faire. Assis en califourchon sur son arbre, il devine, voit, dessine l’avenir. Et autant rêver peut-être un bonheur, autant il peut devenir un cauchemar quand il voit arriver le malheur ou le désastre s’abattre sur le village. Ainsi à force de rêver à voix haute, le garçon se fait détester par l’ensemble des villageois, empêchant tout à chacun de pouvoir réaliser ses souhaits ou de croire en ses rêves.
Obligé de fuir devant l’exaspération des gens, Le Rêveur (tel est le nom donné par les habitants du  village) part avec comme seul bagage un sac à dos et des rêves plein la tête. Nul ne sait où il va, nul ne sait où mèneront ses pas.
Aux confins d’une forêt luxuriante où bananiers, orchidées et autres oiseaux du paradis, notre jeune garçon rencontre celui qui deviendra son ami Tchinguli, un être d’une générosité et gentillesse extrême, qui ne prêche que la confiance et la tendresse. Armé d’un fusil dont il ne sait que faire, Tchinguli devient ainsi le seul à croire aux rêves étranges et extraordinaires du Rêveur. Ainsi les deux garçons partent à l’aventure en compagnie d’un marin barbu, d’un voleur et d’un réparateur et vont explorer des contrées et des océans mystérieux entre paradis et enfer, entre mythologique grecque et onirisme oriental, entre conte africain et fable européenne.

J’ai longtemps hésité à présenter cet album tellement la puissance et la beauté des pages et de l’histoire m’ont emmené loin dans le récit et la rêverie, tellement cette histoire demeure en moi avec cette impossibilité d’en parler ou tout simplement partager.
Aux frontières de notre imaginaire et de nos rêves les plus fous existe un pays extraordinaire. Un pays non pas merveilleux, mais un pays remplis d’êtres qui ont fait de leurs rêves, des réalités, des routes et des chemins vivants, des avenirs incertains mais qui demeurent des possibles. Il n’y a nulle boussole, tout peut arriver, rien n’est tracé et seule la foi en soi et en les autres, l’écoute, l’amitié peut aider. 

Il y a des rêves qui deviennent prémonitoires nous faisant traverser des histoires que l’on croit impossible à traverser et qui pourtant deviennent de vastes territoires explorés. Il y a des rêves qui deviennent réalité. Ou peut-être est-ce la réalité qui devient un rêve ?
Nul ne le sait.

Muriel Bloch a écrit un sublime conte africain côtoyant des légendes et histoires aux frontières d’un monde où se mêlent la réalité et les rêves. Atypique, fécond, incroyable de rebondissements et d’intrigues ulyssiennes, abordant les doutes, les peurs, les régimes totalitaires, la confiance en soi et les autres, l’ouverture d’esprit, ce Cassandre nous amène à revoir nos jugements et nos prophéties.

Mais ce qui fait la force de ce récit, c’est l’envoutement de son graphisme. Un graphisme qui nous rappelle une ligne claire digne d’un Tintin au Congo et des voyages fabuleux de Simbad le marin. Les planches de Christophe Merlin sont à elles seules des représentations picturales incroyables, des tableaux envoutants où se mêlent un orientalisme rempli d’épices et d’odeurs et un univers maritime fantastique et onirique.  

Je ne sais vous décrire toute la puissance et l’éblouissement que j’ai eu à lire et découvrir ce récit mi-bande dessinée, mi-histoire fantastique. Je ne sais comment vous parler de cette aventure incroyable par la force de son scénario, la douceur et les messages véhiculés, la beauté des planches dans lesquelles on se plonge et se rêve, par les couleurs, le trait, les odeurs et les voyages entrepris.  

Il y a peu d’ouvrages jeunesse qui me font autant vibrer que ces deux albums si atypiques, incroyables, ensorceleurs. Kojhda et Le Rêveur dégagent ce quelque chose qu’il est impossible de croire : nos rêves. Et pourtant c’est grâce à ceux que nous pouvons nous réaliser, croire en nous, en des possibles et entendre cette petite voix qui nous dit d’avancer, de partir à l’aventure et de la tenter. Qu’importe si en chemin des monstres ou des ennemis du bien se dressent. Unis et avec comme bagage l’amitié, les pires cauchemars peuvent devenir des victoires et des vies à réaliser.

Retrouver l'ensemble des BD du mercredi chez Moka .

Le rêveur
Muriel Bloch – Christophe Merlin
Editions Thierry Magnier

Comments

[Nathalie]

Je ne suis pas très attirée par les visages des personnages mais tu as l'air si enthousiaste ! Et puis l'histoire me plait bien... Les rêveries tout éveillé, je connais ! ;)

[lasardine]

au premier abord j'aurais dit non, mais maintenant que je t'ai lue je dis oui!!

[Karine]

Le sujet me tente... mais contrairement à plusieurs, c'est le dessin qui m'attire plus ou moins... we'll see.

[Sabine]

Le graphisme mérite le détour mêmesi le sujet m'attire moins !

[Mylene]

ça a vraiment l'air magnifique ! merci pour la découverte !