et-soudain-la-liberte

Chère amie,

 

Voilà quelques jours que j’ai terminé votre roman, ce lien, cette envie de faire vivre à tout jamais celle qui a été un fil, une main posée sur votre épaule, un bout de vous, ce regard et ces paroles qui vous ont grandi, permis autorisé d’être vous,  proche de vous. Evelyne votre amie.
Je viens de le reposer de nouveau après avoir relu quelques extraits qui m’avaient chavirée, emplie de cette gracieuse lumière, de cette générosité absolue, cette sensibilité à fleurs de peau, de votre « solarité » commune (je ne sais si ce mot existe se dit mais vos mots, votre amitié est un soleil, une éternelle source de lumière et d'humanité) et je suis toujours autant émue. Emue car ce lien qui existait et qui existera toujours entre vous et Evelyne, sera éternel, est éternel. Il est ce qui vit à l’intérieur de soi, qui révolutionne cette part de vide qui nous habite, cette amitié indestructible qui se devine sans jamais nuire.  

Vous lire… vous deviner derrière les mots écrits par votre amie disparue, voir le chemin parcouru par les femmes, nos mères, nos sœurs, nous-mêmes, leur émancipation, la liberté acquise…
Vous lire, quel plus beau cadeau pouvait espérer Evelyne, quelle plus belle chose et délicatesse, générosité et plus encore, pouvait-il exister. Je ne sais décrire car quelque part réside en moi cette femme que vous avez aimé, que vous aimez.

 « L'intensité d'une amitié, ça vous fait une joie pour mille ans, c'est comme un amour, ça vous rentre par le nombril et vous inonde tout entier. Ça ne se mesure pas en mois. »

Vous avez raison, une amitié ça vous happe, vous transforme, vous donne sans compter, vous porte, vous offre, vous modifie tout en gardant votre personnalité, ça vous rentre par le nombril, le cœur, les mains, les épaules, la tête, ça vous irradie, vous transporte tout entier. C’est un coup de foudre. Et c’est magnifiquement beau. Magnifiquement fort. Fort et beau. Beau comme un jour naissant, beau comme une construction. Beau comme une main qui se dépose sur l’épaule. Précieux.

Car votre livre est précieux.
Il est précieux à juste titre. A juste mesure. 

Il est précieux car il décrit de manière pudique et juste, de façon sincère et vivante ce que fut le parcours de votre amie, d’Evelyne, des femmes de sa génération mais aussi de la nôtre, de cet héritage que l’on doit à celles que l’on nomme des féministes et que nous avons tendance à oublier ou par avis contre-révoltionnaires de ne pas vouloir leurs ressembler. Et pourtant… pourtant… Ce que vous décrivez est non seulement cette passion qui les enflamme mais aussi cette folie, cette douce et belle énergie, cette liberté, ce droit et cet insatiable appétit pour le droit d’être et de se savoir femme, de le revendiquer, de le clamer et d’être libre.
Votre livre est précieux car vos plus belles pages sont ces liens qui vous unissent et que vous nous transmettez, vous nous offrez comme on offre la vie, une amitié pure et réelle, sans contrepartie, sans un quelconque intérêt ou attente. Une amitié puissante et libre, douce et intense. Comme l’est la vie, comme le sont les liens qui nous unissent à ceux qui nous sont chers, à ceux à qui l’ont dit « je t’aime ».

Votre livre est précieux. Intense, fou, solaire, essentiel. Bouleversant de sincérité. Merveilleusement délicat. Un écrin dans un tissu de soie, dans un foulard rouge de vie, rouge d’amour.  

Je ne sais vous dire tout ce que je ressens, tout ce j’ai ressenti. Ce feu et cette douceur, les visages de celles qui me sont proches, celles qui le furent, ceux qui m’ont apportés. Je ne pourrais vous dire tout ce que j’ai ressenti et qui m’a enivrée de tant d’émotions que les larmes ont plus d’une fois étaient sur le point d’embrasser vos mots, cette liberté de choix, de vie.
Il y a des livres qui transportent, transforment, vous grandissent, qui deviennent des liens d’amitié, des précieux qu’il faut savoir conserver, continuer, fort, très fort, tendre la main, entendre les rires et les soupirs. Et « J’espère un jour, quand moi aussi j’aurai soixante-quinze ans, tendre la main à une jeune femme de vingt-huit ans ;elle serait éditrice, romancière, étudiante, sans emploi, technicienne, agricultrice, rebelle, enceinte, amoureuse, divorcée, pleine de rêves, folle à lier, je l’appellerais « mon amie chérie [ma belle pour moi] et je lui dirais : « En avant pour la belle aventure ! Fonce ! En toi j’ai toute confiance. »

Il y a des livres qui sont des mères, des pères, des amis et puis il y a le votre qui est plus que cela. Il est « Et soudain, la liberté ». 

« A quoi tient l’amitié ? Une main tendue, un éclat de rire partagé, un caillou qu’on se prête pour atteindre la case « ciel ». »

« Je ne saurai pas finir. C’est la vie qui finit pour nous. »
 

Un billet écrit dans le cadre de l’opération menée parl’insatiable Charlotte et des 68 premières fois, éditions 2017. Retrouver sur le blog des 68 premières fois, toutes les chroniques liées à ce roman.

 

Et soudain la liberté
Evelyne Pisier – Caroline laurent
Les Escales

 

 

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