Je ne vais pas vous faire de secret mais Mélanie Chappuis et moi, on se connait depuis un bout de temps déjà. J’ai lu, je crois quasi tous ces livres… j’ai dévoré tous ces romans, en cachette, sans rien dire, en sentant battre mon cœur, beaucoup d’ailleurs, sur sa magnifique Frida ou encore son sublime Des baisers froids comme la lune, sur cette Maculée conception qui m’avait fait entrer dans son royaume des mots et des femmes, sur ces deux textes qu’elle m’avait offert pour des étés jaune carré endiablés, deux jours en été et deux mois et demi (L’empreinte amoureuse, un thé avec ses chers fantômes ou encore femmes amoureuses, dans la tête de ).
J'aime son écriture ciselée, dentelée. J’aime celle qui parle si bien des femmes, de leurs multiples beautés, leurs sensibilités-émotions, leurs regards et gestes de mère, de sœur, d’amie, de fille.
Elle fait partie de mon étagère suisse-romande, mon étagère des jours de blues, d’amies qui sont de l’autre coté du lac Léman. Celles que j’invoque les jours gris, les jours où elles me manquent, où me manquent leurs empreintes et leurs rires, leurs tendresses et leurs regards, leurs douceurs et leurs jalousies, leurs attentions et leur chamailleries. Bref mon gang de femmes fétiches. Celles qui illuminent d’un rien les jours quand elles arrivent et qu’on s’attable ensemble autour d’une table, dans un café, à regarder et parler de la vie qui passe, de ce présent, passé, futur, maintenant.
Vous allez penser que je ne suis pas objective. Cela est certainement vrai. Mais lire Mélanie Chappuis est pénétrer le cœur des femmes, leur corps, leur âme. Comprendre qui elles sont, comment elles vibrent, luttent, aiment. Nous. Un cœur humain au service de ces sœurs humaines, celles de sang et de chair, celles qui s’expriment, pensent, crient, se perdent, illuminent, adorent, rient, sont solidaires, fidèles ou au contraire deviennent rivales, jalouses.
Et elles sont belles ces femmes sous la plume de Mélanie Chappuis. Elles sont terriblement elles, nous. Elles sont tendres, rigolotes, merveilleuses, ignobles, rieuses. Elles abordent les rivages que l’on ne dit jamais, ceux dont on tait ou que ne dit qu’à celle qui nous est précieuse, la meilleure amie. Mélanie et sa tendresse, sa douceur et d’un petit revers de mot vient nous caresser la peau.
Et « Ô vous, sœurs humaines » est tout cela. Toutes ces envies qui nous tenaillent, ces mots que l’on se dit entre femmes, entre amies, entre rivales. Ces gestes d’amour que l’on retient devant nos enfants qui grandissent, ces regards emplis de joies et d’amour devant celles que l’on aime, celle qui nous sont tendres, complices, présentes. Ces mots que l’on dit à ces autres qui nous obligent à sortir nos ongles vernis, nos dualités qui finalement ne sont celles des hommes feignant d’ignorer sous leurs poings serrés. Lire Mélanie Chappuis est entendre leurs paroles, lire leur regard, entendre leur silence, rirent de leur complicité. Une plume vive, alerte, portraitiste, douce et si complice à la fois.
« Il est l’heure de dormir. Elle a sa maman pour elle toute seule, pendant quinze minutes, ensuite c’est au tour de son frère. Elle préfère quand elle couche son frère en premier. Alors les minutes deviennent plus longues, elle la garde presque trente minutes parfois, et sa maman fait semblant de ne pas s’en rendre compte. Ce soir elles se sont fait des chatouilles, elles ont beaucoup rit, jusqu’à se supplier d’arrêter, se promettre plein de choses si ça cessait. Un nouveau sac à dos. Un déjeuner rien que toutes les deux. Une gaufre bien chaude au prochain goûter. Elle a fondu en larmes. Ce n’était pas pour retenir maman, non, pas cette fois, simplement elle a pensé à quel point elle l’aimait. Et ensuite, logiquement, elle a pensé à comment elle allait faire quand elle mourrait, sa maman. […]. Sa maman rit sans la croire. Et elle, elle pleure. Plus fort encore quand elle voit que le sourire de sa maman plisse de plus en plus ses yeux. C’est que les rides, c’est la vieillesse, et la vieillesse, c’est proche de la mort. Maman, elle dit qu’elle peut vivre encore 50 ans, avec ses rides, et qu’ensuite elle les attendra tranquillement au ciel, elle et son frère […]. Maman, elle veut tellement la consoler qu’elle dit n’importe quoi. ça la fait pleurer de plus belle. Alors on va lire, propose maman. Et elles lisent. Et elle oublie le futur grâce au présent qui l’enveloppe de ses bras chauds. »
« Ô vous, sœurs humaines » est ce recueil de fragments, portraits, nouvelles que l’on a envie d’offrir à toutes ces femmes qui nous touchent, que l’on aime, admire, celles qui naissent ou qui partent, nos mères, nos grands-mères, nos amies, nos copines, nos épaules droite et/ou gauche. Il y a tant de cadeaux, de mots portraits, miroirs, mains, couvertures. Il y a tant de nous, de toi, de moi, de nos attentions et amitiés…. On se reconnait tant dans ces six moments d’intimités partagés, les rivalités, les solidarités, les dualités, les complicités, les fidélités et les vanités.
« Elle aime sentir la bienveillance de cette femme. Son adhésion. Le regard qu’elle pose sur son travail. Elle se sent accompagnée. Elle n’est pas son amie, elles se reconnaissent plus qu’elles ne se connaissent. Elles se tiennent à distance, et leur complicité n’en est que plus forte. Être plus proche ? Elle n’en est pas certaine. Elle a vécu les déceptions qu’apporte une trop grande proximité. Elle a souffert de la confiance qu’on accorde aveuglément, la jalousie qui surgit quand on ne s’y attend pas, les bassesses et les trahisons qui s’ensuivent. Elle a peur de l’amitié. Elle préfère le bouclier de sa solitude. Et pourtant, elle a besoin de cette femme, qui lui rappelle la beauté, la douceur. Elle a besoin de la pureté qui se dégage de leurs regards. Cette femme est un encouragement, un espoir, une joie. Elle est la possibilité d’une amitié. Une hypothèse. Elle n’ira pas vérifier. »
A découvrir chez Nicole son Mots pour mots. Et à offrir pour Noël, à toutes celles que l’on aime ou que l’on déteste. Mais surtout à celles que l’on aime.
Ô vous, sœurs humaines
Mélanie Chappuis
Slatkine et co