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Le blog du petit carré jaune
23 avril 2018

Guillaume Para "Ta vie ou la mienne"

Ta-vie-ou-la-mienne

« La colère rend prisonnier, c'est la pire des cages. »

 Hamed est un jeune issu des banlieues comme on aime le dire : un pédigrée typé 9-3 qui du jour au lendemain part vivre à chez son oncle et sa tante à Saint Cloud, commune on ne peut plus huppée de l’Ouest Parisien. Le choc total et la possibilité de pouvoir devenir quelqu’un de bien, de ne plus être assimilé à ces jeunes casseurs, la misère, la drogue, la violence qui sonnent au porte. Un avenir qui le sort de l’école de la débrouille, de la rue, du foot sur les esplanades en béton, des camés et la violence entre police et les jeunes du quartier des Beaudottes à Sevran. Un avenir un peu plus doré au sein d’une banlieue où les allées sont entretenues, où les HLM sont limités à cinq étages et à une tranquillité quasi permanente ou du moins beaucoup moins brute.
Armé de sa seule petite valise et de ses pieds en or, sa nouvelle famille l’inscrit au club de football de la ville. Jusqu’à là rien d’anormal pour un jeune qui n’a que le mot ballon dans la bouche. Au fur et à mesure des années qui passent, Hamed fait l’apprentissage d’une nouvelle vie sans adversité, dans l’espoir d’un horizon meilleur et le choix de pouvoir croire en quelque chose d’autre qu’un avenir bouché, incertain. Le ballon rond devient ainsi son meilleur ami, sa passion.
Dans ce même club de foot joue François qui devient très vite son meilleur ami, celui qui l’unira à sa vie future bien avant qu’il ne le sache, qui lui donnera plus qu’une chance, sa chance, celle d‘être lui. Celui qui lui donnera l’occasion de rencontrer Léa, son amour, sa passion brulante, celle par qui tout arrivera, celle qui fera de leurs différences, un champ d’espoirs et de violences, un champ de lumière et de ténèbre.

 

Je n’aurais jamais cru que ce roman m’aurait fait un tel effet. Je ne m’y attendais pas, je dirais même qu’il est à l’opposé de mes habitudes de lecture et d’écriture, de ce quelque chose qui me pousse à continuer et poursuivre les mots. Car il faut le dire, rien ne  présupposait à lire un roman traitant du football même si comme beaucoup d’entre nous, il me reste le souvenir de ce match de coupe du monde contre le Brésil et la descente victorieuse dans les rues de milliers de supporters clamant leur amour pour le ballon rond et un même pays. Un souvenir fraternel et unique.
Mais que reste-t-il de cela quand de nouveau les banlieues grondent, que les villes bourgeoises s’embourgeoisent encore plus, quand un tel fossé advient et que le monde tourne de plus en plus vite, laissant en marge ceux qui n’acceptent plus de courir, ceux qui ont commis un acte répréhensible.  

« Ta vie ou la mienne » est un roman qui traite de ceux que la société renie, oublie. Il y a le chic des banlieues dorées où les cris se taisent et les sourires rutilent, où les possibles sont plus qu’une certitude, où devenir est certain avec le foot qui devient le passeport d’une vie, la jeune bourgeoisie qui encourage le labeur et les rêves. Et puis il y a les différences qui malgré tout, restent.  L’impossibilité d’échapper à son destin, à ce visage de jeune de banlieue, à ces stéréotypes de caïd et malfrat. Une peinture sociale de notre époque hélas plus que présomptueuse et classée.

Mais ce qui est riche dans ce roman de Guillaume Para, ce n’est pas que ce stratagème qui nous emmène à la deuxième partie du roman. C’est sa façon de monter la tension, d’emmener le lecteur à tourner les pages, à se prendre de passion pour le ballon rond et surtout cette porte qui s’ouvre sur le monde carcéral, lieu de tous les imaginaires impossible à imaginer, vivre. Guillaume Para aborde ce sujet avec la dureté, sans faire de concession mais en exploitant la violence et la fraternité, cette amitié qui nait entre les barreaux qui donnera la possibilité de gouter un repos.
Et puis il y a bien sur,  le triangle amoureux, la toile de fond qui unit les divers protagonistes de l’histoire. 

Guillaume Para utilise peut-être les vieux ressorts d’une histoire à la Jule et Jim où les deux amis se retrouvent autour de la belle, où le jeune banlieusard est désigné d’office pour être le méchant et son ami, français de souche bourgeoise, comme le héros de ce drame mais « Ta vie ou la mienne » m’a complètement emporté dans ce maelstrom d’émotions qu’a su saisir, écrire l'auteur. Les sensations se télescopent, nous laissant sur le grill, emporté par le flot et la rythmique des phrases, l’élan donné. Il y a une très grande richesse scénaristique, au point où je me suis demandée si ce roman ne pourrait pas finir sur le petit écran.

 

Je ne sais pas ce qu'il me restera dans quelque temps de ce roman, mais je n'aurais jamais cru qu'il m'aurait amené là où j'ai laissé les acteurs finirent leurs histoires. Il y a fort à parier que l’on entendra de nouveau parler de Guillaume Para, en tout cas je lui souhaite, car même si son roman est rempli d’imperfections, il manie la tension romanesque et sait amener son lecteur au-delà de ce qu’il pourrait croire en lisant les premiers mots. 

 

« Ta vie ou la mienne » de Guillaume Para fait partie de la sélection des 68 premières fois, éditions 2018. A retrouver sur le site, toutes les chroniques des éditions passées, en cours ainsi que les diverses opérations menées.

 

Ta vie ou la mienne
Guillaume Para
Editions Anne Carrière

logo 68 premières fois

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Commentaires
P
je viens de le terminer et c'est émotion émotion comme toi.
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