Angélique Villeneuve Anna Griot "Paisible"

28 mai 2018

« A la nuit, Ester garde les oreilles et les yeux grands ouverts. Elle écoute. Les bruits pointus crochus d’en bas se sont envolés. Ceux d’ici sont si calmes, et si ronds.
Elle observe les étoiles et les mouches endormis, elle touche les écorces et les nervures des feuilles, renifle le vent qui vient du lac, là-bas.
Elle est bien. Elle est solitaire et paisible. »

Certains soirs on aimerait juste revenir en enfance, se retrouver dans les mots, les images, imaginer un monde serein, calme et paisible, tranquille. Un monde où les bruits ne nous atteignent plus, où la vie se trouve dans un monde imaginaire et coloré, emplit d’animaux extraordinaires nous révélant le pouvoir de l’amitié, la générosité, l’écoute et le partage. Un monde d’une aventure à portée de main et de cœur. De Paix. Celle que l’on cherche.

Ce monde existe dans les mots d’Angélique Villeneuve et dessins d’Anna Griot. Il existe à chaque lettre posée, chaque situation décrite. Il se révèle dans chaque couleur et vie partagée.

On entre dans ce soir d’un brouhaha intense, dans cette fête que les parents d’Ester ont donné. Mais la petite fille n’en peut plus. Elle aimerait qu’on lui fiche la paix, qu’elle puisse s’éloigner des pleurs, des miaulements et aboiements intempestifs, des cris et rires festifs des amis qui arrivent, heureux de se retrouver. Ester ne veut plus qu’on lui parle, qu’on la regarde, aimerait qu’on l’oublie.

« Il y a trop de bruit ici, de mouvement. Pas assez de silence et pas assez doux. ça cogne, ça donne mal à la tête. »

Alors Ester grimpe les escaliers et part s’enfermer dans la chambre. Ouvrant la fenêtre, elle grimpe sur l’arbre voisin et de branches en branches, part habiter dans le ciel, avec le ventre des nuages là où elle est bien, là où le silence devient son ami, où les feuilles bruissent sous le doux mouvement du vent, où les étoiles la protègent des lumières agressives, où l’écorce rugueuse de l’arbre, se fait velours. « Elle est bien. Elle est solitaire et paisible. »

« Mais au matin, Ester s’aperçoit qu’elle n’est pas seule sur son arbre »…

Et arrive la magie de la poésie et la sublime histoire des mots, de la force et la sensibité affinée de ce texte d’Angélique Villeneuve. De la puissance de la couleur, de son cœur, le sien, celui d’Ester qui comprend que la vie est aussi dans la joie, la gaieté, le partage, le regard des uns sur les autres, de l’un sur l’autre.
Tout doucement sans brusquer, le monde imaginaire et serein d’Ester, Angélique Villeneuve nous amène à rejoindre le quotidien, la vie, l’impermanence. Sa plume sensible nous accompagne dans les pas de la petite fille qui, doucement, redescend de l’arbre, le souffle apaisé et revient à la vie. Et malgré le bruit qui règne encore, malgré la vie qui peut être pénible et piquante, Ester est en paix. Dans son cœur, elle a trouvé son royaume, sa source gardée, son arbre secret. Et c'est cela qui devient infiniment beau, véritablement sain. Cette espace retrouvé, ce morceau de vie renouée alors que les cris et les bruits se ressentent encore.
Et que dire des illustrations d’Anna Griot. D’une touche légère et empreinte de couleurs, elle envoute notre regard. La force du trait coloré, des dessins où l’on devine un monde qui nous chahute, nous bouscule, devient doux, somptueux, rond, apaisant une fois les premières planches passées. Les oiseaux aux plumes rouges et or se mêlent aux caresses et malices des lémuriens au regard doux et bon. Le papillon et les insectes dansent devant nos yeux, jouant un concerto estival et régénérant. Nul bruit n’est parasitaire, nul trait n’est plus beau que cette double page où la paix s’installe dans le cœur de l’enfant.

Angélique Villeneuve et Anna Griot nous donnent à voyager dans ce monde coloré et paisible. On entreprend notre propre trajet, gravissant des arbres, rencontrant la nuit qui nous apporte le silence, des êtres colorés et somptueux qui nous procure la force et la confiance, le partage et l’amitié, les rires et la gaieté. On lit l’histoire et une fois terminée, on est bien, comme à notre tour apaisé(e), tranquille, serein, comme ayant trouvé notre propre paix, notre monde, au bord des nuages, au bord des soirs colorés, des matins au soleil levant. Un souffle nous emporte, on est léger.

Un livre juste comme il faut. Un livre qui donne envie de le lire encore et encore, de redevenir enfant, de le partager avec l’enfant installé à côté de soi. Un livre comme un doudou, un moment de paix, un souffle qui se pose, un instant qui nous emmène loin, un instant coloré.

« A l’intérieur d’Ester, la paix des grands arbres a fait sa maison. »

Paisible
Angélique Villeneuve et Anna Griot
Sarbacane