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Le blog du petit carré jaune
27 juin 2018

Sybilline Capucine Jérôme d'Aviau "Rat et les animaux moches"

ratEtLesAnimauxMoches

«  Son sac de miettes sur le dos, des aventures plein la tête, de ville en ville, il marche joyeusement. Mais c’est plus difficile que prévu. Les chats le chassent, les gens le caillassent. Tout le monde le trouve dégoutant, l’accuse de maladies, du mauvais temps.
Rat essaye de rendre service, il mange des miettes de thon, des miettes de morue, des miettes de rien. Il fait le ménage sous les meubles, débouche les canalisations, taille un peu le gazon. Mais rien n’y fait. Les gens ne sont pas contents. »
 

Au pied des arbres, dans la forêt loin de toute pollution humaine, vivent les animaux moches qui font un petit peu peur. Des animaux rebutants, grotesques, gluants, moches, terribles, effroyables, terrifiants. Des animaux dont personne ne veut, que tout le monde déteste, balaie à coup de pieds hors des maisons et sentiers. Des animaux affreux, repoussants et surtout des animaux qui foutent les chocottes. Les chocottes graves par leur monstrueuse taille, tête, leur ventre velu, leurs multiples pattes couvertes de crochets, leurs légendes terrifiantes, leurs poils sales et leur gueule parsemée de dents acérées, prête à croquer le moindre enfant qui s’en approcherait de trop près. Des animaux qui sèment l’effroi dans nos demeures, nous poussent à crier « ahhhhhhh une souris (ou une araignée, un poisson volant, une chauve souris, une méduse » ), nous fait prendre nos jambes au cou ou le cou aux jambes si jamais on se trompe de sens dans la précipitation de la fuite. Des animaux qui peuplent nos cauchemars les plus répugnants, les plus sombres et ténébreux.
Et pourtant dans le village des animaux moches qui font un peu peur vivent des créatures qui tout simplement ne demandent qu’un peu d’amour qu’importe leur faciès ou leur corps disproportionné, leur gueule à faire peur au petit chaperon rouge, leur museau ratatiné ou leurs membres disgracieux. Qu’importe leur carapace, ils sont là, avec leur drôle de tête, avec leur gentillesse de créatures un peu méchante mais pas tant finalement.

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Ainsi on y retrouve Rat qui aime la vie et surtout à une sainte horreur de la solitude. Rat qui n’a qu’une seule envie, rendre heureux ses amis, ceux qu’il aime, aider à leur bonheur. Une bête généreuse qui par son grand cœur, va apporter ce qui manquait au village des animaux moches et qui font un peu peur, l’âme et la bienveillance, la délicatesse, la bonté, la solidarité. Il ya aussi Ver qui est rose pourtant. Lamproie, drôle de poisson sans mâchoire mais avec un sourire aussi large que l’estuaire de la Gironde et la Loire réunis. Il y a phasme, raide comme un bambou, Scutigère et Scolopendre qui danse le limbo, Bousier qui bouse sa boule de caca et nettoie les chemins ou encore Araignée qui devient vite son meilleur ami.
Mais tout serait tellement plus simple si les humains apprenaient à les regarder autrement, à voir au-delà de leur monstruosité, l’utilité qu’ils ont, leur beauté simple et unique.

Si seulement…
 

« Cette nouvelle nuit dans sa petite maison, Rat réfléchie beaucoup. ça l’ennuie de savoir que ses nouveaux copains sont tristes un peu tout le temps. Alors il a une idée. »

 

Au pays des contes et des fables, il y avait jusqu’à Perrault, Andersen, les frères Grimm et La Fontaine. Nul doute qu’à eux cinq, ils avaient imaginé les pires histoires qui nous démontraient le caractère insidieux et répugnants des animaux moches, leur mesquineries et petits travers, leurs côtés rapaces, leur méchanceté et leur mocheté. Ainsi les rats étaient ces animaux grotesques qui grignoter les réserves, les araignées, ces bestioles aux pattes tentaculaires qui étouffaient leur proie, les méduses, ces drôles de bestioles qui d’un coup d’électricité, foudroyait nos vacances, ces requins aux dents si pointues qu’ils engloutissaient le moindre Jonas qui passait par là. Ah oui alors, ces animaux moches ont peuplé nos histoires d’enfant, nos nuits noires, nos cauchemars diurnes.  

Et là est le génie de Sybilline, Capucine et Jérôme d’Aviau. De ces fables et autres légendes terrifiantes, ils ont construit une histoire qui nous fait aimer ces animaux moches, ces bêtes biscornues, ces terribles et méprisables bestioles.
On se plait à devenir Rat ou Araignée, à éclairer de nos phosphorescentes écailles, la nuit sombre, de calmer les détresses et autres pleurs comme seul sait le faire le poulpe pieuvre, à apprendre à ramper tel la vipère et autres vers lorsque les jambes viennent à manquer. Et quelle leçon de générosité, de bonté. Quelle leçon aussi de savoir vivre lorsque débarque dans le village celui qui se croit plus joli que tout le monde, celui qui se croit plus aimé que les autres. De fable on en vient à la farce et sa morale, sa force et sa poésie bucolique, légendaire.  

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Les illustrations de Jérôme d’Aviau nous rapprochent du monde de Durer, de ces gravures des magasines de mode qui ornaient les journaux de nos grands parents, de ces livres au liseré rouge offert comme cadeau de fin d’année scolaire. On détaille chaque trait, les premiers comme deuxième plan, la vivacité d’esprit du détail, l’ingéniosité de l’action et de son rendu illustré. On frôle l’univers caricatural de Daumier ou encore Gustave Doré.
Le scénario de Sybilline est croustillant, fabuleux et poétique à souhait. Chaque phrase donne envie de s’esclaffer, d’être enthousiasme devant le jeu de mot ou tout simplement l’inventivité créatrice. L’utilisation des lettres liées de Capucine, en fait une histoire enfantine où l’adulte se repait de lire. Une vraie et belle histoire qui rétablie la beauté de ces animaux moches, de ceux que l’on trouve hideux et terrifiant. Et lorsque la fin de l’histoire arrive, on a  juste qu’une seule envie, partir à la rencontre de ces animaux moches qui font un petit peu peur mais pas tant que ça finalement. 

Du bon, du beau, du bonheur en quelque sorte. Du doux, du vrai, du farceur, beaucoup finalement.


« Je sais que tu as peur des monstres et des cauchemars la nuit. J’ai beaucoup réfléchi et j’ai une idée. J’ai une copine qui sera ta gardienne. Elle s’appelle Baudroie. Elle a une drôle de trombine, c’est garanti anti-tout. Tu vas voir, vous allez très bien vous entendre.
Rat pousse Baudroie dans la chambre et fait demi-tour sur la pointe des pattes.
En partant, Rat jette tout de même un œil par la fenêtre de  la petite chambre et sourit. Les autres sont juste derrière lui. 
« Nous aussi, nous aussi ! ».
Ils repartent vers le village et chacun rêvasse au jour où l’on l’aimera un peu mieux. »

 

A noter qu’une version audio est disponible et permet de se balader avec ces animaux moches et qui font peur dans sa poche, de se laisser embarquer par l’aventure de cette histoire. 

Les BD de la semaine sont à retrouver chez Moka.

 

Rat et les animaux moches
Sybilline, Capucine et Jérôme d’Aviau
Editions Delcourt

Rat

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Commentaires
J
J'ai aimé autant que toi !
N
ça à l'air très chouette ! Je ne connaissais pas du tout... Noté bien sûr !
B
J'aime le propos et ce que tu en dis et saurai/pourrai m'en contenter !
F
J'ai envie de me l'acheter tout de suite maintenant... c'est grave docteur?
G
Que c'est beau !
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