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Le blog du petit carré jaune
13 juillet 2018

Camille Benyamina - Véro Cuzot "les petites distances"

 

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Il y a ces bandes dessinés, ces romans, ces lectures qui vous cueillent vous prennent par la main et vous embarquent dans leurs histoires, leurs écrits, vous propulsent dans une dimension autre que celle dans laquelle vous végétez. Des lectures qui relatent si bien ce monde actuel, une transparence et solitude des êtres, ces personnes attachantes mais qui d’un coup de vent, un coup de rien, un coup ailleurs, disparaissent, deviennent des fantômes, le zapping des relations, la vitesse d'un monde qui bouge..  

Comme dans une foule qui apparait soudain devant lui, Max fait parti de ces anonymes qui disparaissent facilement, deviennent transparents face à ces personnes croisées qui consultent leur écran ou d’un pas pressé, ne font pas attention à celui qu’ils croisent. Max et son bouquet immense, qu’il offrira, quelques escaliers plus loin, à sa bien-aimée depuis bientôt 4 ans… Celle qui en l’occurrence est au lit avec un autre homme en ce jour d’anniversaire et qui avait complètement oublié qu’elle vivait avec Max… Quid de la vie à deux. Quid de l’amour qui devient jetable. Quid de l’amour qui s’envole dans les bras de l’autre. Jouissance éternelle des relations kleenex. 

« Je suis complètement invisible. C'est de pire en pire, mais c'est comme ça depuis ma naissance. Quand ma mère m'a mis au monde, elle ne savait même pas qu'elle m'attendait. Il y a des jours où je me sens complètement inconsistant. » 

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De son côté Léonie souffre d’une solitude qui l’empêche d’aimer, de ses souvenirs qui entravent d’autres relations, de toute cette peur qui entrave ses désirs, ces fantômes qui l’empêchent de dormir, de jouir de la vie, qui font de ces nuits, des nuits cauchemars envahissants. Jouissance solitaire face aux couples et actes sexuels qui l’entourent. Elle a beau faire face, anéantir à grands coups d’aspirateur et de javel, les scènes obscènes de nuits fantomatiques, elle ne peut faire face aux chants des craintes d’une vie à deux.  

« Les dieux, les anges, les fées, ou qui que vous soyez, faites que mes visions disparaissent ou au moins qu'elles ne me fassent pas de mal. Que je ne me fasse pas cambrioler, ou au moins pas en ma présence. Et que je réussisse à m'endormir, et à me réveiller. Merci. »

Alors entre celui que l’on ne voit plus et celle qui ne sait plus, deux solitaires dans une vie moderne qui fuit les relations et ce qui lie au quotidien, petit à petit, dans la tendresse d’un coup de foudre qui ne se dit pas, ne s’écrit pas, chacun va faire un pas, pour apprivoiser l’autre, s’apprivoiser, renaitre, revivre, vivre et apprendre à aimer, à s’aimer, ne plus être dans l’imaginaire mais dans le réel, dans l’amour d’une vie ou d’un moment. Dans l’amour tout court. 

« C’est le propre du coup de foudre. Plus rien n’existe autour de vous. » 

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Souvent il ne suffit d’un rien pour rencontrer quelqu’un, quelques mètres, un espace qu’on accepte de partager, une solitude qu’on laisse de côté, un regard confiant qui se pose sur vous, une parole émise qui touche, un geste ou simplement un silence, un rien ou d’un beaucoup, une bienveillance saine, un rempart qu’on laisse échouer, une peur qui s’envole, une petite distance qui s’entrevoit après un grand espace connu.

Dans un monde où les relations s’échappent, où rien ne dure, tout disparait, devient inexistence et transparence, vacuité, futilité, où tout est basé sur l’image, le paraitre, la fugacité du désir et besoin, les petites distances deviennent un lieu où apprendre à regarder, se reposer sur l’autre, devient un lieu de vie, où l’apprivoisement devient vérité et nécessaire tremplin à une vie future, à son soi aussi. Comme si cette vie basée sur un mensonge devenait au fur et à mesure de cette existence qu’on accepte de partager, comme une grisante et fantastique histoire d’amour, quelque chose hors du commun, hors de ces bouts  de rencontres qu’on a partagé. Une histoire. Des petites distances qui  abolissent pour devenir un lien.
Et il y a une infinie tendresse, une douceur sans voyeurisme aucun dans ce mythe de l’homme invisible, fantasme de nos nuits, un sentiment qui repeuplent nos vies, nos envies, qui éloigne les solitudes, réconforte et renforce l’amour. Il y a comme un côté sensuel, charnel, un érotisme qui n’en est pas un, une lumière chaleureuse, une ambiance réconfortante et bienveillante, une approche fantomatique qui devient de plus en plus humaine, une transparence qui devient palpable, homogène. 

Une très belle bande dessinée de Camille Benyamina et Véro Cuzot qui explorent en finesse et sensualité la transparence, l’identité et le désir. D’une incroyable émotion et délicate mélancolie, ces deux femmes nous emmènent à prendre notre destin en main et abolir ce quelque chose qui font que les petites distances nous rappellent la nécessité absolue à ne pas laisser s’installer les grandes distances, les sentiments transparents, les besoins nécessaires. 

 

Et découvrir celle qui m’a mise cette BD entre les mains… Moka ta chronique m’a bouleversée. 

 

Les petites distances
Camille Beyamina et Véro Cazot
Casterman

 

 

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