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« Octobre 1961. D’aussi loin que je me souvienne, on m’a toujours surnommé Bleu. Peut-être à cause de mes yeux ou de ceux de ma mère ou bien parce que c’est le premier mot que mon frère a prononcé en me voyant. Certains aiment raconter qu’à l’époque mon père chantait un tube baptisé bleu. La légende dit aussi que la première fois que j’ai vu la mer…
Je ne cherche pas à démêler le vrai du faux, mes souvenirs se mêlent à ceux des autres, aux histoires et aux dires, aux interprétations, pour créer une mémoire collective, la série de nos instantanés, ceux qui, pour on ne sait quelle raison, ont compté, ces bouts de rien qui ont survécu au temps. Ceux-là d’avant l’événement, et les autres qui sont devenus une part de l’histoire avec un grand « H » qui appartiennent à tous. Mais que chacun d’entre nous porte encore à sa façon. » 

16 mars 1978, 21h43 l’Amoco Cadiz s’échoue sur les récifs de Men Goulven en face du village de Portsall, commune de Ploudalmézeau. 220 000 tonnes de pétrole brut se répandent sur  400 km de côtes bretonnes. Une des plus grandes marées noires, une des pires catastrophes écologiques de l’histoire.  

Bleu pétrole est l’histoire de cette catastrophe, de la bataille que livra le Maire de la commune de Ploudalmézeau, après que la marée ne recouvre de noir les plages, embourbant oiseaux, engloutissant végétations et coraux. Avant ce « plus jamais ça », avant que l’Etat décide de soutenir vaille que vaille Léon et les autres maires touchés de plein fouet par les ravages écologiques, les risques sanitaires, les conséquences directes et indirectes de cette terrible catastrophe.
Bleu pétrole est l’espoir, la persévérance, le courage, l’abnégation, la foi en les hommes, en ces bretons à la tête dure mais au cœur immense, à ces liens qui les uniront face aux responsable, la firme propriétaire de l’Amoco Cadiz et des changements qui se sont opérés depuis pour faire face aux échouages et autres catastrophes écologiques.

 
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  • « Et c'est comme ça que c'est arrivé, alors qu'il régnait un doux équilibre et que rien ne nous avait préparés, cet événement qui allait bouleverser nos vies fit irruption ce jour-là, sans même faire de bruit. » 

On pourrait craindre que cette BD soit didactique, à caractère et message revendicatif. Elle en est en partie mais pas que.  

Bleu pétrole est avant tout l’histoire d’une jeune fille, surnommée Bleu, qui va grandir dans une famille de paysans bretons, exploitants agricoles et va vivre un soir de mars, la pire catastrophe écologique jusqu’à l’heure jamais atteinte. A quelques centaines de mètres de la ferme, sur cette plage que son père, sa mère, ses frères et elle-même ont grandi, vécu, ri, apprivoisé, aimé, à quelques mètres de cet océan, cette mer qui révèle des bleus profonds, turquoises, ciels, Bleu va voir son paysage et sa vie changer, ses positions se réveiller, son futur se dessiner.
Bleu pétrole est l’histoire de cette marée qui va dévaster un pays, une famille, provoquer une prise de conscience régionale, nationale, mondiale, créer des associations et infrastructures défendant le patrimoine maritime et littoral, vigiler, se positionner, prendre des risques judiciaires face aux grandes firmes pétrolières ou industrielles.
Bleu pétrole est le combat des petits contre les grands, le combat d’un homme pour que les pollueurs payent, soient reconnus responsables de leurs actes. David contre Goliath / Léon contre la firme américaine Amoco. 15 ans de procès pour mettre fin à l’impunité des pollueurs, des entreprises responsables de catastrophes naturelles. 15 années d’un combat solidaire et collectif face à ce qui était impensable, ce qui deviendra la valeur et la figure de cette Bretagne qui n’a jamais baissé la tête, les bras, a toujours fait face aux tempêtes et menaces, s’est prise de plein fouet ce qui restera la plus grande marée noire et nous rappellera à tout jamais que 40 ans plus tard, le principe de responsabilité du pollueur n’est pas encore clairement défini malgré les différentes lois incitant les entreprises à prendre en considération et dommages les faits reprochés, reconnus.  

 

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  • « Le pire, c'était le silence. On n'entendait plus la mer... plus les oiseaux... Juste cette immense carcasse flottante et ses plaintes de métal, lancinantes... » 

Bleu pétrole ou comme une bande dessinée qui se range auprès d’ « un homme est mort » de Kriss et Davodeau. Bleu pétrole, un récit qu’il ne faut jamais oublier,  une résistance, un combat qu’il faut mener encore de nos jours pour conserver une terre, une planète où les pollueurs ne pollueront plus, où chacun d’entre nous, y compris les grands groupes qui se cachent derrière leurs irresponsabilités, derrière le fait que chaque individu est coupable de son geste, est responsable de ces actes, que le plus jamais ça n’a jamais été aussi fort qu’en ces temps où la planète crie, étouffe, se prend de plein fouet nos gestes nauséabonds,  nos quotidiens formatés par une croissance qui n’est plus croissance contenue mais démesurée, ultra libérée, « lobbylisée », décomplexée.

 

Une bande dessinée comme un témoignage, un espoir, une persévérance, ce grain de sel qui vient nous réveiller, ce bleu océan qu’il ne faut jamais oublier, cette Bretagne que l’on/j’apprends à aimer à chaque voyage, pour chaque mètre découvert,  chaque village traversé, chaque pied foulé.

  • « Il n'y a pas de mots pour décrire la catastrophe. Nos plages, nos paysages, notre mer tant aimée, couverte de cette masse noire, visqueuse, ce pétrole immonde... Qui détruit tout, qui salit tout, qui tue les poissons et les oiseaux »


Bleu pétrole, une histoire.
Bleu pétrole, notre histoire. 

 

Bleu pétrole
Morizur et Montgermont
Grand Angle

 

 

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