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Le blog du petit carré jaune
12 octobre 2018

PolaroïdS "Les petites barbares"

La porte s’ouvre et elles s’engouffrent dans le jardin comme si leur vie en dépendait. Elles ont dix, douze ans. Deux sœurs. La plus âgée, blonde aux yeux sombres. La plus jeune brune, le regard noir. Ça commence toujours de la même façon : elles jouent tranquillement et puis soudain, ça dégénère. Elles se mettent à crier. L’aînée a la voix rauque à force d’être toujours au maximum de la puissance de ses cordes vocales. Elle saisit un coussin, en frappe sa sœur. La petite, stoïque, ne dit rien et puis s’exaspère et réplique. Alors les cris fusent, les insultes aussi. Elles rugissent. Perte de contrôle totale. Des furies. Elles s’étripent, elles s’écharpent, roulent en boule dans la tente qu’elles viennent juste de monter. Elles se volent dans les plumes. Une basket dorée glisse, des cheveux sont tirés. Elles se coursent, s’attrapent. C’est du catch. L’herbe amortit à peine la chute. Des feuilles, des brindilles et des nœuds dans leurs chevelures de princesses trop gâtées. Ça castagne. C’est plus qu’une bagarre : un règlement de comptes. L’une défend sa position d’aînée, l’autre son statut de préférée. C’est toute la tragédie des fratries qui se joue là. Le drame renouvelé de génération en génération. Une histoire d’antériorité et d’amour. Celle qui était là avant, celle qui a attrapé le pompon du sourire de maman. Les places, les rôles, les stratégies. Et la fureur de la jalousie qui ne peut pas se dire.  

Retour aux instincts primaires.  

Il y a pourtant quelque chose de sain dans cette énergie qui se dissipe, dans cette manière de se battre en restant dans le jeu. Petites filles ni sages, ni images. Moins futiles qu’elles ne le paraissent, en dépit du pantalon rose et du tee-shirt à paillettes. Dans le jardin, juste à coté, il y a deux petites barbares qui deviendront des femmes bientôt. Des femmes qui ne se laisseront pas faire. Des femmes qui n’auront pas peur de se battre. Des femmes qui, à l’heure où elles devront faire valoir leur existence, se souviendront peut-être de leurs jeux barbaresques, quand elles étaient libres et que la société n’avait pas encore cherché à les faire rentrer dans des bonnets C. Quand le rouge à lèvres était une peinture de guerre et leurs ongles faits pour griffer.

 

Petites femmes sauvages, continuez à hurler dans le jardin d’à côté!  

 

Ce texte est le fruit d’un jeu de ping-pong créatif, entre Gwenaëlle Péron et moi-même. Elle écrit un texte, je lui réponds en photo. Je lui envoie une photo, elle me répond par un texte. Et nous publions ensemble le fruit de notre échange. Voilà l’idée de départ. Après tout est possible… 

 

Les petites barbares
PolaroïdS

 

P1060034 b

 

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