JeParleAUnHommeQuiNeTientPas

« Je ne sais pas ce que je suis moi non plus à ce moment : un ami récent, un ami long, un ami au long cours, un messager des nouvelles de la terre, un miroir sans tain, une ombre sur ton sol, un … Type descendu du ciel qui a violé ta traversée,  qui en sait trop, un … Type que tu n’a pas envie de voir, de voir maintenant, jamais. […]
Tu m’as vu, tu m’as reconnu, m’as étreint à mon tour, comme une excuse de ne pouvoir faire autrement. Nous avons étreint nos étreintes, virilement, pour étrangler, étouffer les mots inutiles. Nous ne pouvions faire autrement. Nos bras nous ont servis, n’en pouvant plus de notre esprit.
Etreinte granitique, mystérieuse, pas soulageante, nous ne sommes pas là pour ça. Incomplète bien sûr, trop chargée.
Bulle de corps, boule de souffle, de muscles, de terre, d’eau, de chair. Jumeaux sans mots. Tout simplement. » 

Certains livres ne se racontent pas. Ils se vivent dans les chairs et les tripes, dans les marées, les pots noirs de nos vies, dans ces instants fugaces et troublants qui nous ramènent à la vie, nous explosent par vague sensible, en plein cœur, à fleurs de peau, à fleurs de mots. Ils sont comme des rencontres essentielles, humaines, troublantes et volontaires. Ils sont ces phares qui nous éclairent les jours de brume et de nuits, ces matins lumineux, nécessaire et volontaire, ces soirées angoissantes. Ils sont ces certitudes incertaines, ces approches récifs, ce mat de misaine qui garde le cap et défie les vents.
Ces livres sont précieux. Précieux comme des amitiés sincères, vitales, soutenant les jours de tempêtes, enroulant de leurs bras les jours de grands, chauds ou vertigineux, se déployant dans la force tranquille des silences et des sensibilités propres à chaque mot. Ils sont forts sans que l’on sache en parler. Ils sont tendres sans que l’on sache le décrire. Ils sont des livres gigognes, des livres que l’on ouvre et qui recèlent page après page, un trésor puis un autre, au détour d’une phrase, d’un simple point, une virgule ou un mot. Profond et respectueux. Simple et sincère. 

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« Je parle à un homme qui ne tient pas en place » en fait partie.  

Que dire à un homme qui a comme unique boussole, celle qui orne son fougueux trimaran de 30 mètres, affronte les dépressions et anticyclones, les tempêtes et les pots noirs béants de tous vents ? Que dire à cet homme qui fait de sa vie, un tour du monde à rendre fou les chronomètres et calendriers, qui a pour maison, un espace de trois mètres carrés et une voile  de plus de 10 mètres de haut, qui joue sur les vagues comme on joue dans les flaques d’eau ?
Que dire quand l’amitié est ce cap qui devient essentiel pour ne pas sombrer, apprendre à garder l’horizon en ligne de mire, ne pas dériver ou couler, faire de sa vie, des rires et des cyclones, des mains qui tiennent forts et empêchent de démâter ou s’écrouler ? Que dire quand les mots sont si beaux qu’ils en deviennent une mélodie, une couverture dans laquelle on s’enroule comme on étreint les bras amis, comme on se reconnait dans les mots et les phrases phares, comme on s’accroche à des bouées, des encouragements, des miroirs de nos vies, des amarres et ancres (encres), à des fils invisibles ? 

« Et puis au final, qu’est ce que c’est de donner ? Qu’est-ce que c’est recevoir ? La frontière est fragile. C’est un fil. Un infini fil. Recevoir, c’est se donner à soi-même la possibilité de recevoir et donner c’est se donner à soi aussi la capacité à recevoir ce donner. »
« Nous ne sommes pas responsables de tout ce qui nous arrivé mais de ce que nous allons en faire, il n’y a pas de doute. » 

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Finalement si ! 

Je pourrais écrire mille choses, mille mots à celle ou celui qui serait au bout de ces mots, celui ou celle à qui seraient destinées ces phrases, ces quelques lignes qui parlent de nos vies, de nos états, de ces moments de grâce qui s’inscrivent dans le temps, de ces rencontres qui nous rendent plus forts, plus beaux, belles, nous enrichissent comme on s’enrichit en capitalisant l’affection, le vrai, le simple, le sincère, ces moments de connivences, de tendresses ou/et de valeurs partagées.
Je pourrais écrire des voiliers entiers de mots qui encouragent, qui donnent grâce à ce que tu écris, toi l’amie qui lit peut-être ce billet sur ce livre que tu as aimé, aux amies à qui je l’enverrai, sans qu’elle le sache parce que l’amitié est quelque chose de rare et de sacré, d’essentiel et de vital. 
Précieux.
Je pourrais t’écrire des paquets entiers de vagues, t’envoyer des bourrasques d’encouragements et de soutiens inconditionnels pour que ces rêves auxquels tu t’accroches tel un skipper à sa barre, te poussent vers tes mers et tes océans, tes traversées solitaires, folles et tourmentées, riantes et incroyables. Ces traversées où je ne suis jamais loin de toi, de cette encre que tu déposes.
Je pourrais oui te dire mille phrases.
Mais c’est dans le silence que se joue l’amitié, se tend la grâce d’un fil qui se noue, se construit au fil des pages lues, au fil des mots déposés. C’est dans la grâce et l’alchimie de la confiance et la croyance en l’autre.  

« Ne lâche rien. » qu’importe les pots noirs et les journées papier de verre. Tels seront les mots qui me viennent à la lecture de ce récit et des mots que tu écris. « Ne lâche rien », ricoche, écris et crois moi… je ne suis pas prête de te lâcher la main. Pas encore. Pas tout de suite.  Je ne suis pas prête… j’ai un livre à lire et « tu  n’imagines pas le nombre de solitaires que nous sommes autour de toi, en suspension dans l’air. » 

 « Si, à partir d’aujourd’hui, nous appelions l’échec « la victoire à l’envers ? Cela pourrait peut-être nous calmer non ?! »

« Ce que tu m’as écrit m’a sans doute transformé à jamais. »

« Ma joie est de te suivre au millimètre sur ton chemin liquide. »

 

 

Je parle à un homme qui ne tient pas en place
Correspondance 2014- 2016
Jacques Gamblin - Thomas Coville
Equateur