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Hiver 1979. Ça caille dur dans le bas du plat pays, ça caille sévère même et la pluie humide n’en finit pas de dracher. Le moral en prend un coup.
Rien ne va plus chez les Falderault ou du moins rien ne va comme tout à chacun le voudrait. Entre la crise d’ado de Louis l’aventurier, les révisions-bachotages  des 10 kilos 600 grammes de l’ainée, le régime sec de Nicole et la présence ingénue de la facétieuse Pépette, la fatigue se ressent terriblement dans la chaumière.

Quand en plus on annonce que le cher et tendre Papounet s’est précipité aux urgences, les sangs tournent, les sels ne sont pas loin. A bas le turbin qui pue la vieille godasse et les pieds-roqueforts à l’âge avancé, à bas les mesquineries et petites agaceries due à la vieille Delmotte qui tient le magasin de chaussures dans lequel travaille M’ame Falderault Madeleine, à bas les tracasseries quotidiennes, quand l’amour sonne les clairons, on détache les chevaux et on enfourche Ma’zelle Esterel, la fameuse 4L rouge, la 7ème roue du carrosse Falderault.

Il faut dire que cette année 79 ressemble beaucoup à une année pourrie. Une année comme la pire des pires des années. Une année qui  a vu la maladie et la mort frapper à la porte, les petits tracas grosses-réparations, les crises testostéronniennes des enfants devenant adolescents, sans oublier des vacances mémorables sous la pluie, les averses… L’apocalypse made in Bretagne.  

« Il a fait tellement beau en Bretagne, la seconde quinzaine de juillet, que les gens jurent avoir aperçu l’Ankou prenant des bains de soleil en bikini sur la plage des Sables d’Or.[…] Quand enfin, nous avons pu rejoindre Carnac, ce fut pour y jouir du temps le plus infâme que l’on ait vu de mémoire de Dolmen. […] Une heure ! En 13 jours, on a eu droit à une heure de soleil !! En plein mois d’août ! » 

Il en faut de peu pour que la crise devienne un mur à franchir, un another brick in the wall, une petite case à ne pas remplir, une fugue à préparer, une poudre d’escampette à envisager. Il en faut de peu pour décider que Noël ne sera pas Noël aux tisons mais Noël au balcon ! Et le tout avec Ma’zelle Estérel qui, il faut bien le dire, connait le chemin par cœur. Celui qui mène vers le Sud, vers le Soleil, vers la côte méditerranéenne.

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Et c’est parti pour le tome 5 Des beaux étés, des retrouvailles avec les Faldérault, notre famille belge préférée. C’est parti pour les rires, la tendresse, la petite larmichette qui glisse, les souvenirs en pagaille, les chansons d’amour de Stone et Charden, de Francis Cabrel mais surtout et avant tout… c’est parti pour cette année 1979 qui sera l’année du tout ou rien, l’année de la fugue, de l’aventure, de l’émancipation et du droit de dire non.
On retrouve avec un délice et une gourmandise non feinte, cette belle famille qui sous les traits et écrits de Lafebre et Zidrou nous rappelle furieusement la notre, ces moments que l’on a tous traverser, ces portraits saisissants de vérité. Il y cette nostalgie des décors, des chansons que l’on ne peut s’empêcher de chantonner, de retrouver les vieux vinyles et entonner à pleine voix «  Hey ! Teachers ! Leave them kids alone ! All in all it’s just another brick in the wall », des parents au brushing bien maitrisé, des parties de mille bornes éternisantes, des frites pommes de terre et des boules surprises que l’on trouvait dans les machines à confiseries.

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Loin d’être niaise, Les beaux étés tome 5, aborde avec de nouveaux thèmes, des embardés vers un nouveau monde qui se profile et dont on commencera à parler ouvertement dans les années qui suivent, aborde la solitude, l’adolescence et ses fugues, la maladie, le courage qu’il faut pour dire non, non à cet avenir que l’on refusait lorsqu’on était plus jeune, non à un quotidien qui ne serait pas cette liberté rêvée…  «All in all it’s just another brick in the wall. ». Ma’zelle Estérel prend ainsi un joli coup de volant et un virage qui s’amorce pour elle vers les années 80.

Le graphisme de Lafebre est toujours aussi tendre, taquin et farceur dans l’accompagnement. On retrouve les décors que l’on adore, les papiers peints, les tons jaune-orangé de la fin des années 70, le formica et les boites de ravioli préparé. Les scènes de nuit, qui bordent la fugue, l’aventure-évasion de Louis sont emprunt d’un suspens doux, solidaire. Rien n’est oublié et on retrouve ainsi les camionneurs au look bien arrangé, les cafétérias d’autoroutes qui ne servent que des sandwichs œufs sur le plat, des cafés acides qui démoralisent les morals. Les cols pelle à tarte ont laissé place au chemisier cintrés et au sous pull collant. Le réalisme est là et on plonge direct dans cet univers.

Ce tome est peut-être un poil « plus sérieux », un poil moins jovial que les précédents mais l’amour, la tendresse, les rires et la générosité triomphent de tout, même de la pluie lorsque le soleil s’absente. L’amour est un bouquet de violette, l’aventura, celle de Stone et Charden et juste pour cela, les Faldérault tome 5 sont un délice à retrouver, une belle page à savourer, ce petit quelque chose que l’on aime à chaque fois, comme un rendez-vous que pour rien au monde, on ne raterait.

 

Les Bd de la semaine sont à retrouver chez Dame Noukette !!

  

Les beaux étés
La fugue (tome 5)
Zidrou et Jordi Lafebre
Dargaud

 

et pour le fun.....