Désordres, Lettre à un père ...
" Désordres - Lettre à un père " Elsa MONTENSI
Vous parler de ce recueil va être une chose ardue tellement ce petit livre d'une petite centaine de pages est puissant, fort, émouvant, terriblement aimant, vivant. Il est un de ces romans qui vous touchent, vous imprègnent, vous laissent à sa sortie une marque à vie, une belle cicatrice, un bouquet de bonheur, un plaisir immense, une envie folle de vivre. Vous ne savez plus où vous êtes, qui vous êtes. Mais qu'importe !
Ce livre je l'ai lu en apnée, les yeux embués, le coeur à la limite de l'implosion. BOUM BOUM BOUM BOUM. A peine terminé, je n'ai eu qu'une envie le relire, le relire et encore une fois le relire. Ne pas l'oublier, le savourer, l'aimer.
Pour ce désordre mis dans ma tête, dans mon âme, dans mon coeur, Elsa MONTENSI : Merci. Vous avez eu le courage de tremper votre plume dans votre chair, dans votre coeur, dans votre corps. Et que c'est bon de vous lire, de lire cette histoire d'amour entre un père homosexuel et sa fille. Un amour construit sur la honte, le rejet, une " pantomine ", un leurre. Cette histoire, vous la racontez sans ombrage, sans gloire, sans voyeurisme. Et moi, simple lectrice, je suis touchée, je suis coulée...
Elsa MONTENSI nous livre son histoire. L'histoire d'une relation, d'un mariage qui n'aurait jamais du avoir lieu. L'histoire d'une naissance qui n'aurait pas du se faire. L'histoire d'une union de 12 ans basée sur le mensonge, sur une " existence de pacotille ". L'histoire d'un père homosexuel. L'histoire d'une honte. L'histoire d'une enfant de quatre ans qui endossent le rôle d'adulte, "le poids d'une fausse imaginaire qui ne m'appartenait pas ". Elsa MONTENSI nous prend par le coeur directement. Et c'est fort, puissant, terriblement juste. En peu de mots, elle nous transporte dans son univers troublant. C'est magnifique.
Avec elle, on suit son chemin. Un chemin qui côtoie les ravins, les ténèbres. Mes cicatrices s'entrouvent de nouveau, mes yeux me piquent, des larmes coulent à sa lecture. Mais Elsa MONTENSI ne culpabilise pas, ne juge pas. Elle poursuit son itinéraire, sa quête de trouver son chemin. Et je la suis... Ne peut me détacher de ses maux, de ses mots. Oui je la suis. Mes mains tremblent, mon coeur bât la chamade, mes yeux s'embuent de nouveau. Je ne respire même plus, je m'engouffre, je renais.
Elle ne nous épargne ni les mensonges, les non-dits, les images illicites, les mots d'amour jamais avoués, les gestes à jamais retenus, les corps meurtris, les impossibilités d'aimer. Le corps en langage, Frida KAHLO et sa colonne brisée comme image. C'est " émotionnellement " très fort, très beau. En aucune façon, il n'y a de haine, de rejet. Au contraire, sous les mots tendus on sent l'amour d'une enfant pour ce père rejeté par sa famille, la société, les tabous " A l'école primaire, une mère refuse que sa fille continue à s'assoir à côté de moi. Sous prétexte que mon père est homosexuel, je pourrais être lesbienne, dévergonder sa progéniture ".
Elle s'arme de sourires, se drape de discrétion, se tait " un moyen comme un autre de me frayer un chemin dans une vie où je ne trouve pas ma place ". Pour y parvenir, elle brise les barrières, les " liens toxiques" qui l'unissent à ce père, elle sort des ténèbres, marche vers la lumière. " vingt deux ans à rester fidèle à cette règle, ne pas faire de bruit,obéir et me taire, c'est tout ce que l'on attendait de moi. Je ne dis rien, j'écoute. Ma vie est à ce prix. Mes larmes et mes colères, enfouies derrière la douceur d'un visage lisse. Parce que les enfants endossent le poids de la faute de leurs parents, qu'elle soit réelle ou imaginaire, il faut trouver une solution pour racheter une dette qui ne s'effacent pas". "Ma vie est à ce prix. Je trahirai. Le bonheur sera ma rébellion". Elle démine son "champ de ruine".
Ce recueil est tellement fort, poignant, sincère, beau, émouvant, vivant que mes mots ne pourront jamais suffire à exprimer tout ce que je ressens. C'est un livre voyageur... mais il finira dans ma bibliothèque au rayon Pépites et encore plus je crois, oui encore plus. L'acheter pour laisser celui que j'ai entre les mains continuer son voyage, poursuivre ses rencontres, ses partages. Un vrai et réel plaisir. J'ai rarement lu un livre aussi puissant, aussi fort, aussi passionné, aussi aimant. J'en ai versé des larmes de bonheur, j'en ai versé et même si cela s'est vu... C'était juste des larmes, des larmes de joie, des larmes de vie. Encore une fois merci Elsa MONTENSI, merci. Mes cicatrices se sont rouvertes mais je les regarde et elles sont belles.
Quelques extraits (mais j'aurai pu vous recopier ce recueil dans sa totalité...)
- "J'aurai pu rester dans l'ombre, mais les mots ne m'ont pas laissé le choix, ils voulaient sortir, voir le jour"...
- " Je découvre la vie, me rencontre, me reconnais dans les livres. La musique des mots, espace vital où je reprends mon souffle, puise des forces pour aller de l'avant. Je les attrape a vol, m'en saisis, les brandis comme un étendard. La littérature devient l'épaule sur laquelle je m'appuie pour affronter le monde."...
- " Face à l'âpreté du dehors restent les plaisirs minuscules, démultiplication de ces poignées de secondes savourées à la dérobée. A l'ombre des haies, sous les herbes folles, dans les champs abandonnés, je suis protégée. Nuages m'entraînant dans leur course folle, coccinelles à apprivoiser. Rares instants éclaboussés de rires. La nature ne juge pas. "
- " Un simple frôlement de sa part (Elsa parle de la mort) a suffi pour guérir ma cécité. Ne pas la combattre, oser la regarder droit dans les yeux sans animosité, cette mal aimée rarement reconnue à sa juste valeur, adroite sculptrice du vivant. En faire une alliée, un soutien pour enfin se déployer, oser être qui l'on est. Grâce à elle redevenir vivant."
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