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Le blog du petit carré jaune
7 février 2016

"La maison" Innocenti et Lewis

 

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« C’est un endroit qui ressemble à la Louisiane, à l’Italie. Il y a du linge étendu sur la terrasse et c’est joli. On dirait le Sud, le temps dure longtemps. Et la vie sûrement plus d’un million d’années. Et toujours en été. » 

Sur une terre vierge, restent les derniers vestiges d’un monde oublié. Des pierres soudées les unes aux autres et s’élevant vers un ciel recouvert par les arbres qui dressent de leur cime, une ombrelle à la maison abandonnée, offrent aux lecteurs une infinie envie de découvrir son histoire.

« J’écoute la rumeur par le vent exhalée,
Regardez ! La maison aux vingt mille légende.
P
lus jamais oubliée, plus jamais exilée :
Les enfants m’ont trouvée, des jours nouveaux m’attendent. »

L’histoire d’une maison, de la Maison. Une maison abandonnée, décrépie. Une maison vestige des souvenirs d’existences, quelques pierres assemblées les une aux autres et formant un mur délabré. Une maison sans toit, fenêtres, portes. Une maison sans roi ni reine, sans prince ni princesse. Une maison qui se raconte cailloux par cailloux comme on lit sur nos corps nos lignes de vie, nos rides de sagesses, nos marques de rire, nos cheveux blancs de vie. Une maison qui redevient feu, foyer, âtre. Une maison du bonheur qui continuera à révéler sa richesse, sa force, son histoire au fil du temps, de l’Histoire des hommes.  Une maison perdue au coin d’un champ, à l’orée de la forêt, au pied de la montagne.  

Sur le linteau au dessus de la porte est inscrit 1656 comme un tatouage qui orne à vie le bras d’un homme, la cheville d’une femme. 1656, l’année de la grande maladie honteuse, celle qui décima une grande partie de la communauté des hommes et annonça sa naissance. Bâtie de pierre et de bois, le fil du temps vit passer entre ses murs nombre enfants, feux et âtres réchauffant la bâtisse en toutes saisons.

« Chaque saison a vu ma nature sauvage
Endurer un passé de pestes et de cendres,
Que le temps, le labeur retrempent mon ouvrage,
Qu’en ma pierre je sente forces reprendre. » 

 

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Seule a eu le droit d’entrer, la faucheuse déguisée sous des habits de guerres, de tempêtes générées par les hommes. Seule celle-ci à eu raison de sa perte, de sa décrépitude, abandon.

« La moisissure est mon maître, après ces vingt ans.
De cette solitude, je suis prisonnière,
Envahie d’animaux, exposée à tous vents.
Mes pierres s’effondrées s’enfoncent dans la terre. » 

« Puis un jour, des enfants se sont aventurés dans mon ombre, à la recherche de champignons et de châtaignes, et une vie nouvelle m’a été donnée à l’aube d’un âge moderne ». 

Roberto Innocenti et J. Patrick Lewis nous invitent à entrer de plein pieds dans l’univers d’une maison découverte à l’orée d’un jour nouveau par des enfants farceurs. De 1900 à l’orée de nos jours, ils nous narrent l’histoire d’une maison, simple demeure faite de pierres, de glaises, de ciments et de tuiles. Une maison qui nous retrace l’Histoire avec un grand H, la vie comme elle est, simple, dure, sans concession, gaie, riante, chantante, désolante, mourante, forte, fragile, renaissante. Une maison simple demeure, bâtisse de nos vies, édifice de nos souvenirs. 

Un ouvrage d’art, un album d‘illustrations façonné avec le plus grand soin par Roberto Innocenti. On regarde intensément chaque planche comme la découverte d’une œuvre de Jérôme Bosch, de Bruegel. On joue avec les clairs obscurs d’un George de la Tour, on se plait à être un Corbusier des temps anciens, un bâtisseur de cathédrales maisonnées. On laisse divaguer nos yeux sur chaque parcelle découvrant dans les coins les plus inattendus des trésors d’illustrations insoupçonnées.
Offerte sur le même axe de vue, cette maison dessinée par Innocenti nous parle, est nous. Elle nous raconte, nous prolonge, nous ouvre ses portes comme on entre dans notre propre histoire. On voyage à travers le temps comme dans une machine. Les saisons témoignent de sa traversée dans nos époques et Innocenti distille sa palette poétique et picturale comme on signe un chef d’œuvre. Une rare sensibilité et une maitrise magique.  

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Lewis quant à lui nous écrit en quelques mots, l’origine de cette maison, son histoire. Les mots sont simples, poétiques. On entre dans son récit comme on écouterait une histoire sans parole.  Un silence qui nous donne la beauté de raconter par nous-même l’histoire de cette bâtisse qui a traversé le 20ème siècle.  La clé qui donne accès à la lecture à l'art de Roberto Innocenti.

« Gardiens de mon domaine, ils sont là et m’entendent. »

 (Merci à celle qui m’a fait découvrir ce magnifique ouvrage.)

  

La maison
Roberto Innocenti et J. Patrick Lewis
Gallimard

Nino Ferrer : Le Sud - 1975

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