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Le blog du petit carré jaune
5 novembre 2015

" Chicagoland " - Fabrice Colin - Sacha Goerg

 

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« Mon nom à moi, c’est Lewis Woodroffre. Dans moins d’une heure, à dix heures précises, je vais mourir sur la chaise électrique parce que j’ai tué une fille. » 

Chicago, en plein milieu des années 50, l’époque où les femmes commençaient à vouloir s’émanciper, à sortir dans ses fameux bars américains aux couleurs flashy et à rencontrer des hommes au profil à la Montgomery Clift, le célèbre acteur à la gueule d’ange et au visage à faire pâlir de pamoison ces femmes en quête d’amour.
Chicago et ses bas fonds, ses quartiers où il ne fait pas bon s’attarder le soir à la tombée du jour de peur d’y faire une mauvaise rencontre.
Chicago et ses assassins qui se promènent dans la ville. Ses assassins au visage angélique, ses assassins qui un jour termineront leur vie sur la chaise électrique. 

Chicago. La ville où tout est possible.  

Chicago où vit Maryanne Shaw. Maryanne, la prude et belle Maryanne. La sœur de Carole. Maryanne, qui en ce matin d’une journée semblable aux autres, se maquille un peu plus qu’à l’accoutumée, dépose sur ses lèvres un rouge baiser, un rouge vif, très vif, celui que portait justement Carole, sa sœur cadette presque jumelle. Maryanne, qui ce matin fume une fine cigarette, peut-être sa dernière qui sait.
Qu’importe.
Elle doit tourner la page.
Si elle le peut.
Tourner la page de l’assassinat violent de Carole.

Maryanne qui part assister à l’exécution par électrocution de celui qui a tué sa sœur. Maryanne qui a dans ses yeux, cette haine farouche, cette violence à tout jamais inscrite envers celui qui a ce visage à la Montgomery Clift, cette gueule d’ange. Maryanne qui assiste à cette scène où un homme meure devant ces yeux. La chaise électrique, ce masque qui cache au dernier moment la figure du condamné, ses dernières paroles.

«  Aux yeux de Dieu, je suis innocent. Mais dans mon cœur, je suis coupable. Je suis désolé. Si profondément désolé, si sincèrement désolé. »
« Crève. Crève ! »  

Chicagoland-couv

 

 

  

Une bande dessinée comme un bon vieux polar où on croiserait Humphrey Bogart et son célèbre regard d’homme fatigué au feutre mou, au costar gris croisé. Humphrey qui évoluerait dans le rôle de l’inspecteur Robert Maguire, celui chargé par le district de trouver le coupable à ce meurtre. Un flic au regard usé, n’ayant qu’une envie, retrouver sa famille, pouvoir voir grandir ses enfants.
Mais Maguire, ce flic au caractère intègre et juste, va suivre la piste, remonter le fil, user ses chaussures sur le bitume de Chicago à la recherche du criminel. Maguire qui sait bien qu’une enquête n’est pas comme un film vu au cinéma du quartier. 

« Un film policier qui montre des choses telles qu’elles se passent vraiment ? Croyez-moi, vous ne voudriez pas voir un truc pareil. Une vraie enquête je veux dire. On use un sacré paquet de semelles mais pas en galopant avec un feutre sur la tête et un 9 mn à la main. Tout le monde aime ces gamineries avec James Cagney, et les épisodes où Joe Friday et Franck Smith pourchassent des truands à sales tronches avec des vestes à revers et des balafres sur la gueule. Mais ça, comparé au monde réel, c’est vraiment des comics. » 

Voilà commence Chicagoland et on est tout de suite happé par l’histoire tirée d’un livre de RJ Ellory (« trois jours à Chicagoland »). Tout de suite, on entre dans la peau de chacun des personnages, comme une doublure qui nous colle, nous poisse au plus profond. On endosse tour à tour le costume de celle qui reste avec la mort de sa sœur, celle qui assiste à l’exécution d’un homme, puis avec Carole, femme tuée pour cause d’une nuit d’amour non voulue. On devient l’inspecteur, on enfile le pardessus et le feutre mou et on arpente les trottoirs de Chicago pour devenir l’assassin. Une vraie mise en abime. Pas un instant de répit. On suit l’enquête pour découvrir que tous les fils tirés, toutes les pistes résolues nous emmènent encore lus loin dans le dédale. Rien ne s’éclairci. Le coupable est-il coupable ? Est-ce réellement lui ? Et si l’histoire vécue dans l’enfance n’était pas un présent reconstitué ? 

Une parfaite reprise du texte, un scénar en béton qui ne mollit pas. On évolue dans cette atmosphère des vieux polars américains des années 50, ces vieux films où il faisait bon fumer une Malboro et se promenait flingue en poche, prêt à dégainer sur les petites frappes, les petites ordures. Une fidèle adaptation graphique qui se lit comme un scénario.
On retrouve la lecture case par case comme un montage plan par plan ; unelecture cinématographique. Tenu en haleine, les pages tournent, volent, s’imbriquent dans l’enquête pour mieux nous perdre. On est sous tension, pressé de connaitre la suite de l’histoire, le coupable.
Les dialogues sont percutants, oscillants entre une conversation, l’enquête et la narration d’un bon vieux nanar.

On est happé, jamais relâché. On souffre, tergiverse, remonte l’enquête et c’est super bien mené. Une super réussite tant du scénario issu de ce fameux texte, maitrisé parfaitement par Fabrice Colin que du graphisme hors pair de Sacha Goerg. On en redemande.

 

Chicagoland
Fabrice Colin – Sacha Goerg
Delcourt – collection Mirages

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Commentaires
L
Bien envie de découvrir cette BD. Je connais déjà l'histoire pour avoir lu le roman de R.J. Ellory (ou plutôt les 3 nouvelles), mais l'adaptation en BD m'intrigue.
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