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Le blog du petit carré jaune
9 janvier 2018

Lisa Balavoine - Eparse

 

Eparse

« Elles sont passées les années fastes, les années insouciantes, les années folles. Elles sont passées sans qu’on prenne le temps de les regarder. Elles nous ont escortés un temps et puis se sont fait la malle, en souriant, les garces. Nous n’avons rien compris. Nous avons rencontré des personnes, nous avons fabriqué des enfants, nous avons cherché des chemins, parfois nous ne les avons même pas trouvés, parfois nous les avons perdus. Impassibles, nous avons laissé filer. Nous pensions que la route était tracée. Mais ce n’est plus comme avant désormais. Nous ne repartirons pas de rien. Nous revenons de loin. […] On s’est vus géants, invincibles, la jeunesse en bandoulière, no future qu’on disait. Nous étions si jeunes. Nous ne savions rien. Nous ne savions pas ce viendrait après et qui a tout changé. Nous n’avons plus vingt ans. Nous faisons le bilan. Nous sommes encore vivants. »

 

Il faut se l’avouer. Un jour, nos vingt ans qui nous semblaient si proche, s’éloignent. L’heure de la quarantaine est là. Le fameux bilan de la mi-parcours. Un rendez-vous. Puzzle d’une vie qui a commencé un jour et s’est poursuivi au fil des pièces rajoutées. Trouver le livre qui accorderait cette pause, ce délai à  la réflexion, le miroir que l’on se tend, celui où l’on égrène les souvenirs, les joies comme la nostalgie, mélancolie, l'album photo contemporain…

Eparse de Lisa Balavoine est ce récit où l'intime cotoie le monde moderne, où le récit d'une femme devient celui des femmes, ce fameux miroir. Je n’attendais pas grand-chose et en même temps j’en attendais beaucoup. Aller comprendre pourquoi ! Ce fameux reflet émotif, cette carapace qui se modifie.
J'ai ouvert. J'ai lu la première page, les premières lignes, les premiers jets, fragments, polaroïds d’instants, d’états d’âme écrits, petites musiques de nos années passées.

Pulsations.
Aorte et ventricules. Gauche. Droit.
Veine cave supérieure... 
Cicatrices et vie.
Sous ma main, mon ventre se gonflait, se dégonflait, soufflait, se crispait, respirait, s’étonnait de ressentir autant d’émotions, se couvrait de sensations qui nous laissent à plat, nous resserent les pores, nous épuisent. J'étais dans les pages. Complètement. Mélangée. Avide. Impossible à lâcher.

Eparse.

Lisa Balavoine m'avait mise face à un miroir, l'éternel reflet qu'on refuse de voir, ou du moins celui qu'on fixe en se remémorant des souvenirs, les doutes, ce puzzle de vie qui nous tient compagnie. Celui qu'on hait, qu'on aime, qu'on évite, qu'on envie, qu’on malmène, celui qui nous maquille. Sans fioriture, en toute transparence, franchise, sincérité (un peu comme cette foutue balance en somme), déroutant, capricieux, malicieux, ironique, ultime, impudique/pudique. Une mise à nue. Un récit qui devenait roman finalement tant il dessinait, dessine les femmes d’aujourd’hui avec leurs doutes, leurs certitudes, leurs croyances, leurs peurs, leurs amours, leurs fantasmes, leurs joies, leurs peines, leur espièglerie. Un JE de questions/réponses/attentes. 

Chacun se débrouille avec ses traces, ses rires, sa vie, ceux qui restent, ceux qui partent, les ex, les actuels, les enfants qui grandissent, les parents qui vieillissent, le temps, la solitude, celle qui surprend un jour alors qu'on ne s'y attend pas. Chacun se débrouille avec ses mots, les phrases qui s'emmêlent, ne se disent plus, les regards qui s'éloignent, reviennent, les rêves, l'espoir, les peurs qui se racontent, celles qui se taisent, celles qui se partagent, celles qui demeurent. Chacun croit, se moque de soi, ironise, essaie de se faire confiance, faire confiance, d'aimer un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Chacun avance dans son puzzle, alignant les pièces qui transforment ce visage, dessinant son contour, son regard.

 « Le temps est un amant généreux, de ceux qui s’attardent après l’amour et continuent à caresser la peau jusqu’au matin suivant » 

Chacun se débrouille avec sa vie mais continue de rire, de vivre, de pulser son sang. Et chacun pose un jour le dernier fragment en se disant que vaille que vaille, la lumière est là, le visage est joli, l'image est belle. Enfin je crois. Aorte et ventricules. Gauche et droit. Veine cave supérieure

«  Et de garder au fond de moi l'assurance qu'un jour les regrets peuvent devenir de doux souvenirs »  

 

Lire la chronique de Bricabook et d'Au fil des Livres. Eparse de Lisa Balavoine fait partie de la sélection des 68 premières fois, éditions 2018. A retrouver sur le site, toutes les chroniques des éditions passées, en cours ainsi que les diverses opérations menées.


(ps… prévoir un carnet à portée de main pour noter le nombre de phrases qui font qu’Eparse est un puzzle qui nous ressemble tel un polaroid pris à l'instant T, une notice, un mode d’emploi à nos états d’âme sentimentaux et émotionnels, rire de soi beaucoup, passionnement, à la folie... s'aimer un peu ou du moins tenter de garder les beaux souvenirs pour les caresser lorsque les cicatrices refont surface)
(Reps: vous allez aimer ce roman, le détester, le relire, l'éprouver, rire, le délaisser, le reprendre... et peut-être tout comme vous... l'aimer pour ce qu'il est : un reflet)

  

Eparse
Lisa Balavoine
JC Lattès

 

 

Albin de la Simone - Une femme [Clip officiel]

 

logo 68 premières fois

 

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Commentaires
H
J'ai aussi été touchée par ce roman...
M
J'avais déjà parcouru son blog. Elle écrit bien, c'est indéniable . Mais elle s'écoute parler, si vous voyez ce que je veux dire. Je pense que son roman est dans la même veine que son blog : nombriliste. Elle souhaite faire de son autobiographie une universalité à l'image d'Annie Ernaux. Quelle prétention !<br /> <br /> A force de s'admirer, Narcisse finit par se noyer dans on reflet, non ?
G
Bon maintenant tu arrêtes Sabine! Tu arrêtes de nous faire envie comme ça... c'est comment dire... agaçant!!! ;-)
L
Et puis Albin ... ♥
L
Oh ben il t'a bien parlé aussi ce livre, dis-moi ! ♥
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