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Le blog du petit carré jaune
15 octobre 2018

Marcelline Roux - Vita Nova Solo

 

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« 139 / Commencer la liste des choses dont j’ai envie : danser, apprendre l’anglais, voir le Japon, lire et lire encore, écrire et écrire encore, méditer, contempler, vivre quelques jours dans une cabane, inventer des soirées parlottes avec des amis, revoir et revoir encore l’Europe du Nord, apprendre à parler allemand, planter des fleurs, regarder tortues et hérissons gambader jour et nuit, écouter et écouter encore les songwriters masculins, chanter à tue-tête, marcher en forêt, en bord de fleuve, dans les campagnes, fouler et encore encore des chemins inconnus, rêver et pas seulement la nuit, rire, tordre le cou à la plainte, improviser des instants lumineux, laisser tomber les grincheux et les toxiques… Compléter la liste dès que la peur s’installe. »

 

1 / Tenter de vous parler d’un récit intime, un recueil puzzle, un carnet vagabond parcelle de vie.

2 / Ne pas être certaine d’y arriver tant le séisme lu et ni plus ni moins le parcours d’un abandon ressenti, une ligne de faille qui se brise et rebondit aux parois de notre corps, s’y déploie, écrase, y fait son nid. Entre nœuds et lacets.

3 / Se dire que les mots écrits par Marcelline Roux ont cette capacité à vouloir vivre au grand jour de définir les frontières d’une traversée et l’apprentissage d’une nouvelle vie, d’une nouvelle partie de « je ». Comme un pied de nez, un enduit que l’on met en surface sur la fissure apparente et qui se consolide pour devenir pièce maitresse, colonne vertébrale, « acte consolateur ».

4 / Avancer dans le noir et tourner les pages.

5 / Lire une liste comme ces formules mantra que l’on écrit pour se convaincre que le chemin est à portée de nos actes, ces cartes routières qui fourmillent de routes imaginaires et autres virages aux sens interdit camouflés, aux versants montagneux vertigineux.

6 / Contempler les silences pharaoniques, échos d’une solitude qui arrivent, d’une scission soudaine, une déchirure dans le rideau d’un couple qui semblait parfait.

7 / Entendre les sirènes chantaient leurs couplets odysséens et se rappeler de celle qui tricotait en attendant le retour du héros. Déchirer la toile, le canevas, se faire la malle, devenir sa propre figure de proue et jeter aux vagues l’histoire d’amour, l’idylle avortée. Se battre contre vents et marées.

8 / Ouvrir le carnet, ouvrir son carnet, ouvrir Marcelline et lui laisser place, lui laisser liberté de penser, de pensées, les siennes. Eparse.

9 / L’accueillir comme on accueille une amie, sans rien lui demander mais en lui laissant cartes et clés, ivresse et possibilité, liberté et onguents sur les maux ressentis.

10 / Ne pas la questionner sur l’absence de pronom, de ces « je », « tu », « lui » ou « elle » qui aurait fait de ce carnet une intimité malhabile, un voyeurisme outrancier. La remercier de nous inclure dans les phrases, les mots, de nous laisser poser nos couleurs, nos joies et peines, de tracer un tableau et de le recouvrir de nos envies, nos peintures, nos traits. Aimer cette distance nécessaire, cette forme de respect et politesse, une bienveillance où se glisse les rires et les interrogations, les culbutes et les acceptations.

11 / Manifester le droit à l’infinitif et au participé passé, à enterrer le passé et tracer les phrases vers un présent futur.

12 / L’encourager à poursuivre la capture d’une nouvelle vie, une « vita nova solo » en compagnie des deux écrivaines , au lien sonoral de coeur et de sang, qui parsèment son carnet. Entendre Virginia et Sapienza croire en elle et lui monter l’itinéraire de sa nouvelle liberté, sans bague, ni fers. Une épreuve où le « dis » devient l’issue à sa liberté, sa réflexion, sa nouvelle panoplie à essayer, à soumettre à sa propre identité.

13 / Faire face à ses tempêtes, cet axe vertébral qui se joue des nerfs, sciatique des jours d’accalmie. Entendre le chant des marins, comme des larmes amères, des larmes de fond qui peuplent les nuits sombres et éclairées aux chiffres du réveil pas encore radio. Egrener les numéros comme on  récite une comptine, croit encore aux moutons qui peuplent nos rêves, endorment nos cauchemars et insomnies.  Combien de nuit encore avant de pouvoir prendre toute la place dans le lit ? Combien de nuit encore avant de ne  plus lui dire bonne nuit ? Hésitations amères.   

13 / Dompter la solitude, s’en faire une alliée, caresser le témoignage comme on caresse l’égratignure, la cicatrice, lui donne le droit d’éclairer entre les fils et les peaux recousues. Ne pas se soumettre à ce comptage comme on décompte des jours mais plutôt comme une ouverture, un possible, un filet qui fait écrire, écrire et noter, écrire et se réjouir. Encore. Toujours. Progresser. Virginia comme phare et chambre à soi.

14 / Se dire que ce récit, ce carnet d’une traversée, est un récit de soie. Une soie qui devient caresse, regain, stupeur et tremblement, joie et pièce d’écrivaine, auteure et poétesse. Possibles destins pour des notes de chevet, une liste que l’on aurait pu déchirer, oublier, jeter. Y voir comme un tremplin et non pas un plongeon. Une vue en contre-plongée gage d’espoir et de liberté.

15 / Faire de ce récit recueil carnet intime un puzzle non plus épars mais réussi, une vague à l’âme où le mot tempête s’éponge à l’encre bleue aquarelle, à l’encre du stylo qui recouvre le papier.

16 / Se dire… Elle a bien fait Marcelline Roux de faire de ce vertige, sa vita nova solo, ce carnet d’une traversée, un nouvel itinéraire, des frontières dématérialisées. Elle a bien fait de rêver du grand nord, de peintures, de pâturages et écritures, d’une chambre rien que pour soi où la blancheur des murs éclaire de sa luminosité les feuilles de ce carnet griffonné. Elle a bien fait de ne pas tenter d’en faire un livre canevas ou toile, peinture ou reliure mais fracas et tempête, de biais et non fini. Elle a bien fait de ne pas mettre de fin ou de chercher à comptabiliser les jours d’une nouvelle vie. Elle a bien fait de rester bancale, sur un pied ou une main mais de poursuivre son destin, sa volonté, son ironie, son humour, sa joie et ses lendemains. Elle a bien fait de devenir elle et non pas ce je, jeu d’un autre destin.

 

« 434/ Aimer la vie qui va avec l’écriture ! La laisser filer, s’infiltrer, s’inviter dans les maisons, les jardins, les paysages, les routes, les coins de cuisine, les soirées dehors, à la grande table des repas, lui ouvrir toutes les fenêtres, lui sortir les transats et les nappes à pois. Ne pas résister au silence qu’elle appelle ! »

 

Et relire le texte qu’elle avait écrit  pour cet été jaune carré : Vita Nova Solo

 

Vita Nova Solo
Carnet d’une traversée
Rhubarbe

 

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